Une blockchain pour les gouverner tous

La blockchain, outil du totalitarisme ?

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Chère lectrice, cher lecteur,

Si, comme moi, vous avez lu 1984 de George Orwell au collège, à l’âge encore impressionnable de 13 ou 14 ans…

Vous en avez peut-être gardé une terreur sourde pour toute forme d’autoritarisme, surtout quand on le grime avec les oripeaux du progrès.

Mon message d’aujourd’hui traite justement du cheval de Troie qui nous arrive dessus… et qu’il est essentiel de repérer avant de lui ouvrir nos portes.

Je parle du détournement de la technologie blockchain au profit de gouvernements de plus en plus intrusifs et autoritaires.

Car si à l’origine, la blockchain est une initiative libertaire, visant à séparer la monnaie et l’État, il s’agit avant tout d’une technologie

Et comme un pistolet peut servir à défendre les opprimés ou à tuer des innocents, une technologie peut être détournée de l’objectif formulé par ses créateurs.

La Chine en route vers le cryptofascisme

« La blockchain augure un monde où tout peut être tracé et vérifié. Reste à savoir si nous y souscrirons volontairement ou pas » – Edward Snowden

Edward Snowden, le célèbre lanceur d’alerte, a compris avant beaucoup d’autres le potentiel néfaste de la blockchain si elle tombait dans de mauvaises mains.

Or, depuis quelques années, c’est la Chine qui avance de plus en plus vers une forme de techno-dictature sophistiquée. Étant donné l’importance que prend la blockchain dans son dispositif de surveillance, il serait même concevable de parler de cryptofascisme.

Mais concrètement, qu’en est-il ?

D’abord, sur la question de l’argent : dès 2019, la Banque Centrale Chinoise affirmait que le passage au yuan numérique était la solution idéale pour faire disparaître définitivement l’argent liquide.

Or, le cash, c’est la liberté. L’intérêt d’une banque commerciale qui vous permet de tirer de l’argent au distributeur, c’est d’être un intermédiaire entre vous et l’État, qui n’a pas un accès aussi direct qu’il le souhaiterait à vos comptes…

Et surtout, de pouvoir dépenser votre argent sans que quiconque ne soit averti de ce que vous en faites.

Le cash, c’est fongible, ça passe de main en main… en bref : ça nous offre un espace de liberté. Peu importe que vous n’ayez « rien à cacher », c’est important et je vous explique pourquoi tout de suite.

Le fait d’utiliser une monnaie numérique émise par une banque centrale (MNBC) comme le yuan numérique, cela change le rapport que vous avez avec votre banque.

Dans une banque commerciale, vous êtes un client, mais si vous utilisez l’argent numérique émis sur un service bancaire d’État… C’est le citoyen qui dépense, pas le client.

Et puisque les MNBC sont conçues sur la blockchain, tout est traçable, rien n’est falsifiable… Or, la blockchain ne sert pas seulement à échanger de l’argent, mais aussi des informations personnelles.

Donc la blockchain d’État peut à la fois savoir qui vous êtes, ce que vous faites, comment vous gagnez votre argent, comment vous le dépensez…

En bref : l’étape d’après, c’est de remplacer les murs de votre maison par des vitres.

Xi Jinping a récemment annoncé que tous les services sociaux et administratifs seraient fusionnés en un seul service centralisé, pour « simplifier » la vie des citoyens et le travail des fonctionnaires… ce qui veut dire qu’au même endroit, sans cloisonnement, seront stockées :

  • Vos informations d’identité et de santé
  • Vos crédits sociaux (la « note » que vous attribue le gouvernement en tant que citoyen)
  • Vos comptes bancaires

Cas pratique tout simple : vous fumez. Le gouvernement le sait puisqu’il connaît toutes vos dépenses, puisque le cash n’existe plus.

D’abord, vous perdez des points de crédit social, car fumer c’est mal… Ensuite, on augmente le prix de vos cotisations santé… voire on refuse de prendre en charge votre bronchopathie, car votre mode de vie vous a conduit là, on le sait, on a les preuves.

Et voilà comment on asservit une nation, avec des registres centralisés et un contrôle total sur vos interactions dans la société.

L’algorithme pire que le gendarme

Vous savez désormais pourquoi les monnaies numériques émises par les banques centrales sont un danger terrible pour la liberté

Mais à ce stade, il est toujours possible de se dire que les fonctionnaires sont des humains et que devant les pires dérives, certains désobéiront.

Si vous avez déjà été arrêté par les gendarmes pour un excès de vitesse, vous savez à quel point les fortunes sont diverses : certains se montrent aimables et compréhensifs, voire « ferment les yeux » si vous avez des circonstances atténuantes… D’autres se sentent investis d’une impérieuse mission, celle de vous emm***er jusqu’au bout, même si vous donnez les meilleurs gages de bonne volonté.

Mais au bout du compte, ce sont des humains, il reste donc une marge de négociation.

Le problème, c’est que la blockchain peut fonctionner avec des smart contracts… Si vous ne savez plus de quoi il s’agit, je vous invite à relire cet article.

En bref, un smart contract est un programme informatique qui exécute automatiquement certaines opérations à partir du moment où certaines conditions sont remplies.

Autre cas pratique pour illustrer : vous roulez à 136 au lieu de 130 pour emmener votre femme enceinte à l’hôpital. Sur la route un radar vous flashe.

Votre plaque d’immatriculation est lue par la machine, qui vérifie dans la blockchain à qui appartient le véhicule. Votre nom sort.

L’algorithme de traitement va prélever sur votre compte en euros numériques le montant de l’amende, faire sauter 3 points sur votre permis de conduire enregistré sur la blockchain, et si vous êtes en Chine, diminuer votre score de crédit social, car le Parti déteste les chauffards.

Espérons qu’au moins, l’accouchement se passe au mieux…

« Si vous combinez une blockchain d’identification avec une blockchain de paiement, une blockchain de propriété de voiture, une blockchain de suivi de vaccination, etc, vous vous trouvez dans une situation où chaque humain et toutes ses actions sont stockées de manière permanente et publique. Les humains sont finalement étiquetés et surveillés comme du bétail. » – Frank Braun, militant crypto-anarchiste

En construisant un système entièrement centralisé, inaltérable et 100% automatisé, l’humanité est tout bonnement en train de monter sa techno-dictature en kit

Vous pensez que ça n’arrive qu’en Chine, comme les accidents de voiture qui « n’arrivent qu’aux autres » ? Think again.

Les démocrates, les modérés, les libéraux… et leurs MNBC

Eh oui : on a beau se sentir « du bon côté du monde », nos dirigeants sont tous les mêmes : la dérive autocratique les chatouille, comme on l’a vu ces derniers mois.

Et depuis le dernier rapport de la BRI (banque des règlements internationaux) mi-2021, qui présentait les avantages des monnaies numériques émises par les banques centrales, beaucoup s’y sont mis :

  • Juillet 2021, la BCE annonce un euro numérique pour 2023
  • Novembre 2021, la Banque d’Angleterre prévoit la livre numérique en 2025
  • Décembre 2021, la Banque du Mexique annonce un peso numérique en 2025
  • Janvier 2022, Jérôme Powell (FED, États-Unis) en remet une couche sur le dollar numérique

À l’échelle mondiale, 86% des banques centrales sont en train de développer des stratégies pour lancer une monnaie numérique.

Comment on vous vendra le projet ? On parlera de lutte contre le blanchiment, d’antiterrorisme, d’économies de structure… et puis, après tout… « vous n’avez rien à cacher », pas vrai ?

Le problème, c’est qu’avec la disparition du cash (qui est une réalité galopante dans de nombreux pays, même si certains, comme la Suède, sont obligés de rétropédaler), on pourra vous imposer de laisser tout votre argent au même endroit, sur des comptes d’État… auquel pourront être appliqués les fameux taux d’intérêts négatifs visant (entre autres) à réduire l’inflation en vous appauvrissant d’une autre manière, car les taux d’intérêts négatifs sont une véritable taxe sur l’épargne.

Sans même parler de crédits sociaux, de « désactivation » de vos euros si vous vous comportez mal, d’interdiction de dépenser son argent comme on veut… On est déjà dans la confiscation d’une liberté fondamentale.

La « vraie » blockchain à la rescousse

Je sais, mon message sonne un peu scénario catastrophe.

Mais ce qui existe en Chine pourrait bien arriver en Europe : la démocratie n’est jamais qu’un régime donné à un moment donné, pas une constante ni un impératif.

N’oubliez pas que les États les plus technophiles sont souvent impliqués dans la recherche à des fins de contrôle…

En attendant, il y a aussi d’excellentes raisons d’espérer. Car ces scenarii catastrophiques ont tous un point commun : les blockchains d’État, c’est-à-dire des blockchains centralisées, sujettes au contrôle et à la censure.

Or, l’esprit de la blockchain, c’est précisément la décentralisation.

Bitcoin ne peut pas être accaparé, censuré ni détruit… Et c’est précisément le péril d’une blockchain totalitaire qui devrait nous pousser à mettre de l’argent sur les blockchains décentralisées, car personne ne peut détruire votre adresse Bitcoin… et cet espace de liberté, à mesure que les institutions s’acharnent à le dénigrer, gagne de la valeur.

Amicalement,

Marc Schneider

PS : Cette cryptomonnaie permettrait de faire tomber le système bancaire mondial… et elle est encore largement sous-évaluée. C’est un bon moment pour investir.

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Geo
Geo
2 années il y a

Référence à George Orwell certes mais avez vous lu « Un bonheur insoutenable » de Ira Levin ? Le passe vaccinal est remplacé par un bracelet qui gère toutes les autorisations (de franchir une porte, de choisir un article dans un magasin…) et tous les mois une nouvelle injection afin que les sujets restent bien dociles…

Stéphane BR
Stéphane BR
2 années il y a

Un article passionnant, comme souvent !
Ça change des infos fadasses qu’on reçoit par centaines, qui se contentent de relayer l’info sans apporter aucune analyse.
Merci pour cette vision alternative des conséquences de la blockchain…

Juste un détail : le crypto-fascisme existe déjà, c’est le fait « d’adhérer au fascisme de façon détournée ».
Dans ce cas, le préfixe « crypto » signifie « caché », comme dans « cryptographie ».
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crypto-fascisme

Il faudrait alors trouver un autre terme pour le fascisme lié à la blockchain… 😉
Vu que vous parlez de « techno-dictature », « techno-fascisme » paraît très bien, et a le mérite d’être plus générique.

gardeydesoos
gardeydesoos
2 années il y a

Bonjour
Je trouve votre article alarmiste sur la monnaie, sauf la fin :

« Or, l’esprit de la blockchain, c’est précisément la décentralisation.
Bitcoin ne peut pas être accaparé, censuré ni détruit…Et c’est précisément le péril d’une blockchain totalitaire qui devrait nous pousser à mettre de l’argent sur les blockchains décentralisées, car personne ne peut détruire votre adresse Bitcoin… et cet espace de liberté, à mesure que les institutions s’acharnent à le dénigrer, gagne de la valeur. »

La faille c’est que les crypto-monnaies décentralisées échappent aux banques et aux états.
Donc on peut toujours fonctionner en toute discrétion avec un portefeuille numérique et une carte dédiée.
C’est ce que vous n’invoquez pas dans votre article.
Cordialement

garcia
garcia
2 années il y a

bonsoir madame, monsieur, merci pour l’envoie par mail de votre newsletter financière de ce jour intitulée  » une blockchain pour les gouverner tous » assez intéressante et utile.je suis d’accord avec tout ce que vous mentionnez dans celle-ci mais c’est à nous les citoyens de refuser l’autoritarisme de l’état à travers les urnes mais même à ce niveau rien n’est parfait vous le savez car il y a beaucoup d’intérêts partisans derrière.
cordialement
pierre Garcia