Une deuxième guerre en Europe ?

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Chère lectrice, cher lecteur,

Ça n’en finira donc jamais !

Ces derniers jours, j’ai reçu des informations selon lesquelles la contre-offensive ukrainienne s’intensifiait.

Toute la semaine dernière, des positions tenues par les Russes seraient tombées.

L’armée ukrainienne aurait repris une grande partie du nord-est, dans la région de Kharkiv. Certains parlent déjà d’une reprise à venir de Kherson.

Toujours selon la même source, le moral des troupes russes serait au plus bas et les désertions se multiplieraient

Côté russe, on affirme que c’est un regroupement stratégique qui a lieu : l’armée russe se regrouperait autour de Donetsk à dessein, pas parce que c’est la débandade.

Je vais vous donner mon sentiment et rien de plus, car dans cette guerre tout est opaque, difficile à lire, et la désinformation joue à plein dans les deux camps :

Je pense effectivement que la Russie est en difficulté, mais ces inversions systématiques de narratif me fatiguent.

Un jour l’Ukraine est au bord de l’annexion totale, le lendemain c’est la déroute côté russe… Le seul rapport de force que nous indiquent ces narratifs, c’est celui de la communication d’influence. On ne sait rien du front.

Mais attendez, la situation se complique encore en Europe : une deuxième guerre se tramerait, pas très loin de la première…

Une guerre entre deux pays qui appartiennent à la même alliance militaire, l’OTAN.

La Grèce sonne l’alarme

Vous savez sûrement que les relations entre Turquie et Grèce sont pour le moins fluctuantes.

Depuis plusieurs mois, les deux pays organisent des exercices de guerre dirigés l’un contre l’autre, violent mutuellement leurs frontières respectives avec des navires de guerre et avions de chasse…

Et la semaine dernière, la tension est montée d’un cran.

D’abord, le président Erdogan a accusé la Grèce d’avoir visé des avions turcs avec ses systèmes de défense aérienne. Ensuite, il a précisé la menace :

« Si vous allez trop loin, le prix à payer sera lourd (…). Le moment venu, nous ferons le nécessaire. Nous pouvons arriver subitement la nuit ».

Pas vraiment un recadrage amical, donc. Mais ça ne s’arrête pas là. Un autre élément du discours d’Erdogan a bien pété l’ambiance :

« Grèce, regarde l’histoire, remonte le temps. Nous n’avons qu’une chose à dire : souviens-toi d’Izmir ».

Izmir, avant de s’appeler comme ça, s’appelait Smyrne et était largement peuplée par des Grecs… puis la Turquie l’a reconquise durant la seconde guerre gréco-turque, provoquant le massacre et l’exode des grecs d’Asie Mineure.

Vous vous en doutez, côté grec cet épisode est un traumatisme encore vif… alors le discours d’Erdogan passe très, très mal.

Le ministre grec des Affaires Étrangères a alerté l’UE, l’OTAN et l’ONU de l’imminence d’une guerre s’il n’y avait pas de frein rapide et majeur à l’attitude agressive de la Turquie : « nous risquons d’assister à une situation similaire à ce qui se passe ailleurs sur notre continent ».

Bonjour l’ambiance.

Pourquoi ça arrive maintenant ?

D’abord, vous le savez, ça n’est la fête ni en Turquie ni en Grèce.

Économiquement, la Grèce continue de sombrer et souffre comme le reste de l’Europe. Le Premier ministre grec est dans une position délicate suite au scandale des écoutes (un genre de Watergate grec), ce qui n’arrange rien…

Chez les Turcs, Erdogan doit gérer le mécontentement croissant d’une population appauvrie à l’extrême par l’inflation et la dévaluation spectaculaire de la Lire…

En bref, ça ne fait de mal à personne de trouver un bouc émissaire de l’autre côté de la mer.

Surtout que la discorde ne date pas d’hier : la Turquie souhaite depuis longtemps revenir sur les traités de Sèvres (1920) puis de Lausanne (1923) qui fixent la démarcation entre Grèce et Turquie en mer Égée.

La politique expansionniste d’Erdogan n’est pas différente des velléités russes ou chinoises à l’endroit de l’Ukraine, des îles Kouriles, de Taïwan…

À mesure que le bloc occidental décline, ces puissances « illibérales » comme on dit (l’appellation se discute) cherchent peu à peu à réécrire l’Histoire… car nous ne sommes plus le phare du monde et ils l’ont bien compris.

La Turquie, d’ailleurs, devient un acteur géopolitique majeur. Malgré son économie exsangue, elle joue un rôle de premier plan dans la médiation entre OTAN et Russie : c’est notamment grâce à elle que les navires céréaliers peuvent traverser la Mer Noire.

Aujourd’hui, elle est le seul membre de l’OTAN à toujours discuter avec Poutine… et c’est elle qui produit les fameux drones de combat qui ont permis à l’Ukraine d’infliger de sérieux dégâts à l’armée russe.

Une puissance avec laquelle il faut compter, donc, et qui ne risque pas de se laisser intimider par la Grèce toute seule.

D’autant que les deux pays ont rejoint l’OTAN en 1952, ce qui crée une situation ultra-ambiguë pour les autres pays de l’alliance.

Le VRAI nerf de la guerre

Maintenant que vous avez le contexte, voici ce qui vous manque pour comprendre ce qui met vraiment le feu aux poudres :

Eh oui… que la Grèce ait militarisé quelques îles près des côtes turques, ça agaçait déjà la Turquie, car ça n’est pas conforme aux traités de paix qui unissent les deux pays.

Mais que des gisements massifs d’hydrocarbures lui passent sous le nez à cause d’un découpage frontalier qu’elle contestait déjà avant, c’est hors de question.

Surtout dans le contexte actuel de crise énergétique : ces gisements ont une valeur inestimable… Et la Turquie les revendique depuis 2020.

Que va-t-il se passer ensuite ?

Vous connaissez ma réponse : je n’ai pas de boule de cristal.

Cela étant, un blocus naval est à craindre, a minima.

La situation économique et politique mondiale est tellement tendue que tous les débordements sont envisageables…

Mais précisément parce qu’elle est si critique, Grecs et Turcs ne peuvent pas se permettre de rajouter une nouvelle guerre au nombre de leurs épreuves.

Pas pour l’instant.

Le ton monte, aussi pour faire oublier les problèmes domestiques… mais il faudra du temps pour que ça parte en vrille dans le réel.

En revanche, ce nouveau foyer de tensions confirme la tendance des derniers mois : la géopolitique de crise fait son grand retour, les équilibres sont rompus.

Pour une fois je suis d’accord avec Macron : « Le temps où nous pouvions espérer tirer les dividendes de la paix est révolu ».

Voilà pourquoi il semble urgent de se préparer à de nouveaux remous, surtout si vous êtes européen et que votre épargne est en Euros. Voici ma stratégie anti-crise, pour tous ceux qui voudraient prendre les devants.

Amicalement,

Marc Schneider

La Lettre Argo Éditions

Inscrivez-vous et recevez en cadeau le dossier « Acheter ma première action »

Recevez ma lettre gratuite

Politique de confidentialité
0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

2 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Henriette Chardak
Henriette Chardak
2 années il y a

Votre commentaire est par certaines absences de connaissance sur la Grèce un peu flou. les Grecs ont découvert du Gas en Mer Egee, près de Chypre et de Corfou. Il y a vingt ils demandaient de l’aide à l’Europe pour les forages. Qui a mis son veto? Mme Merkel. D’autre part en Grèce actuellement la situation socio-économique est bien gérée et le prix concernant les biens essentiels me semblent stables. D’ailleurs la TVA de 2% sur l’alimentaire protège les plus faibles économiquement.Face à un Erdogan aux discours haineux Mitsotakis l’européen est courtois mais déterminé à défendre son Pays. L’Europe comme pour Smyrne détournera-t-elle les yeux? La question fondamentale : l Europe veut-elle encore exister et défendre ses valeurs communes ?

Boutté
Boutté
2 années il y a

L’Otan, construit contre l’URSS aurait du disparaître avec cette fédération communiste . Pour ce qui est de la mer Egée,, les accords en place valent ce qu’ils valent jusqu’au jour où les Grecs y trouvent du pétrole . Erdogan s’en va t’en guerre comme dans les années 1970 contre un pays européen . Ce pays est Chrétien et la Turquie Musulmane .Il serait étonnant que nous ayons pour lui le même enthousiasme que pour l’Ukraine .