Mais que se passe-t-il au Kazakhstan ?

Secousses kazakhes et dégringolade crypto

Chère lectrice, cher lecteur,

L’année 2022 part sur les chapeaux de roue.

Vous l’avez peut-être entendu, il se passe quelque chose de grave au Kazakhstan.

Depuis plusieurs jours, le pays est touché par des émeutes violentes, elles-mêmes durement réprimées par les forces de l’ordre.

Pour résumer :

  • Les pouvoirs publics ont augmenté le prix du gaz naturel liquéfié dans une province kazakhe, ce qui a déclenché les premières émeutes. Les manifestants jugent cette hausse injuste compte tenu des vastes ressources pétrolières et gazières du pays.
  • Le mouvement s’est répandu comme une trainée de poudre dans tout le Kazakhstan, notamment jusqu’à Almaty (la capitale économique) où des bâtiments ainsi que des voitures ont été incendiés, tandis que des groupes armés ont pillé des centres administratifs pillés et temporairement bloqué l’aéroport.
  • Le gouvernement a décrété l’état d’urgence, allant jusqu’à couper Internet et le réseau téléphone pendant plusieurs heures. Des forces de sécurité ont été massivement déployées dans tout le pays.
  • Le Président Tokaïev a décidé de gérer la crise seule et limogé son gouvernement.
  • La Russie envoie des troupes pour participer au maintien de la paix.

 

Les chiffres fluctuent, mais après quelques jours d’émeutes on parle de 18 policiers et 60 manifestants tués, plus des milliers de blessés.

En clair : ça ne rigole pas.

Le fond de l’affaire est trouble

Au début, j’ai compris l’événement comme une crise des Gilets Jaunes à la sauce kazakhe… puis je me suis ravisé : il y a quelque chose d’autre.

Les manifestants ne protestent pas que contre la hausse des prix du gaz.

Beaucoup d’entre eux s’affichent avec des slogans anti-Nazarbaïev, du nom de l’ancien président kazakh.

Noursoultan Nazarbaïev, qui n’est plus président mais « Leader de la nation », se trouve dans une situation comparable à celle de Poutine à l’époque Medvedev : il a choisi son successeur, mais dans le fond, c’est lui qui garde les rênes.

Mais alors, les manifestants ont-ils construit sur la rage contre les prix du gaz un mouvement pro-démocratie ?

Pas sûr – rien n’est sûr dans cette histoire.

Alors que le président Tokaïev assure que les manifestations sont conduites par des « gangs terroristes formés à l’étranger », et qu’il s’agit de « 20 000 bandits qui attaquent Almaty », certains commentateurs sous-entendent qu’il serait lui-même à l’origine de ces émeutes.

Son motif ? D’abord, se passer de son gouvernement, concentrer les pouvoirs. Ensuite, s’émanciper de la tutelle de Nazarbaïev.

D’ailleurs, ce dernier était resté président du Conseil de sécurité, jusqu’à ce mercredi où Tokaïev a annoncé reprendre cette fonction.

Un président qui instrumentalise (voire organise) des émeutes pour licencier son gouvernement et s’émanciper d’un prédécesseur un peu trop encombrant…

C’est un scénario crédible, mais il n’y a aucune preuve de tout ça.

Tout comme rien ne soutient certains scénarios fantaisistes qui évoquent l’intervention de services secrets étrangers devant la violence soudaine de ces manifestations transformées en quasi-révolution.

Cela nous rappelle juste que toutes les conclusions tirées par nos médias sont un peu trop péremptoires tant les événements de ce genre sont opaques par nature, en tous cas dans les premiers temps.

Il faut garder tout son esprit critique, admettre que pour l’heure nous ne savons pas.

En revanche, et c’est le vrai sujet de cette lettre, les événements au Kazakhstan ont un impact sur les marchés.

Tension sur le marché de l’uranium

Vous le savez peut-être, le Kazakhstan est le leader mondial de l’uranium, détenant 41% de la production mondiale.

Or, la demande en uranium est croissante ces temps-ci : de nombreux pays se (re)mettent au nucléaire, incontournable pour la décarbonation de l’économie et l’autonomie énergétique.

À ce propos, l’Union Européenne a récemment adoubé le nucléaire et le gaz comme « énergies de transition » vers le renouvelable – une première reconnaissance, qui sera peut-être suivie par un ajout du nucléaire sur la « liste verte » des énergies d’avenir.

En tous cas, le nucléaire a le vent en poupe : les pays développés s’y remettent et les pays émergents misent dessus.

Ainsi les émeutes au Kazakhstan ont fait monter le cours de l’uranium de 8%, avec la crainte d’un ralentissement dans la production…

Car vous vous en doutez : un pays qui détient presque la moitié de la production mondiale d’uranium ne peut pas être instable sans faire trembler le monde entier, même si tous les producteurs d’uranium sur place assurent que les émeutes n’ont aucun impact sur leur activité.

Affaire à suivre, donc.

Les cryptos dégringolent

En plus d’être un important producteur d’uranium, de pétrole et de nombreuses matières premières, le Kazakhstan est aussi une place forte du minage de bitcoins.

On considère que 12 à 18% du hashrate mondial, c’est-à-dire la puissance de calcul consacrée au minage de bitcoins, se trouve au Kazakhstan.

Or, la coupure d’Internet dans tout le pays a mis un coup d’arrêt au minage, et entraîné une vague de panic selling :

Cours du Bitcoin à 3 mois, source : Tradingview

Pour rappel, les mineurs de Bitcoin au Kazakhstan sont, pour une bonne partie, « réfugiés » depuis l’interdiction totale des cryptomonnaies en Chine.

Le Kazakhstan, avec son électricité bon marché et ses températures glaciales en hiver, est un hôte idéal pour faire tourner des serveurs en continu et les maintenir au frais.

Pourtant, récemment les cryptos ont fait polémique sur fond de pénuries d’électricité au Kazakhstan, et le sempiternel débat a resurgi : Bitcoin est-il trop énergivore ?

Les récents événements nous rappellent que les cryptos ne sont rien sans Internet, et qu’un gouvernement peut décider de couper Internet en cas de crise…

En clair, c’est la vulnérabilité de l’écosystème crypto qui fait peur.

Est-ce bien justifié ?

Or, il faut savoir que la blockchain Bitcoin est conçue pour s’adapter à la puissance de calcul qui lui est dévolue, pour rester stable malgré les aléas.

Cela signifie que même avec le Kazakhstan « hors course » pendant plusieurs heures sans Internet, il n’y avait aucune raison que le Bitcoin dévisse.

C’est un jeu de psychologie collective, comme un billard à plusieurs bandes, qui a fait plonger les cours : les investisseurs ont anticipé que d’autres investisseurs interprèteraient les émeutes kazakhes comme un mauvais signal pour le Bitcoin.

En clair : ils pensaient que le cours baisserait donc ils ont vendu, faisant baisser les cours – un cas classique de thermomètre qui donne la fièvre.

Mais ce n’est peut-être pas la seule explication à ce marché crypto en berne…

J’y reviendrai dans une prochaine lettre, mais la politique monétaire américaine (entre autres) y est peut-être pour quelque chose.

En tous cas, l’année 2022 commence fort :

  • Incertitudes géopolitiques croissantes à toutes les échelles
  • Tension toujours plus forte sur les matières premières (j’en parle depuis octobre dernier !)
  • Les cryptomonnaies qui poursuivent leur révolution, tout en se heurtant aux épreuves du réel

Je vous retrouve très bientôt pour décrypter toutes ces nouvelles et analyser les tendances de cette nouvelle année.

J’en profite pour vous adresser tous mes vœux de santé, de bonheur et de réussite pour 2022 !

Amicalement,

Marc Schneider

PS : devant toutes ces incertitudes, dans quoi investir ? Si pour 2022, votre résolution est d’investir votre argent, je vous suggère de commencer par lire ceci.

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REGINE
REGINE
2 années il y a

Merci pour cette analyse, et cet éclairage . Je découvre que l’essentiel du minage se fait au Kaszakhstan .
Les intérets stratégiques de l’uranium , la mise en garde de Washington à la Russie sous couvert de violation des droits de l’homme appelle une autre réflexion.

Laurence
Laurence
2 années il y a

Merci pour cet éclairage sur la situation géopolitique. Votre lettre est toujours intéressante. Bonne année et santé à vous et à vos proches !

François Lorent
François Lorent
2 années il y a

Très intéressant

JNL
JNL
2 années il y a

Merci pour cette analyse, tjs bcp de brillance.
Bonne année santé continuité réussite.

Patrick
Patrick
2 années il y a

Bonjour,
merci pour cette lettre qui résume bien les faits récents.
toujours un plaisir de vous lire.
Prenez soin de vous et de vos proches, que cette année vous offres de magnifiques moments.

garcia
garcia
2 années il y a

bonjour à vos services, merci de votre newsletter financière et économique du 8 janvier 2022 sur le KASAKHSTAN et la dégringolade des cryptos.
cordialement
pierre garcia