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Chère lectrice, cher lecteur,
À chaque discussion sur la crypto, on finit par atteindre un genre de « point Godwin ».
Une limite fondamentale au débat, un horizon indépassable.
Vous aussi, vous l’avez peut-être déjà entendu…
« Un jour le gouvernement interdira les cryptos, et ce sera terminé ».
Mais est-ce bien réaliste ? Un gouvernement peut-il bannir intégralement les cryptomonnaies, si oui comment ? Et aurait-il intérêt à le faire ?
C’est ce que nous allons voir ensemble.
Quelques éléments de contexte
2021 a été une année exceptionnelle pour les cryptos. Ne serait-ce que du point de vue de leur capitalisation, comme vous pouvez le voir ici :
Aujourd’hui, la capitalisation totale des cryptomonnaies oscille entre 2000 et 2500 milliards de dollars. En termes d’ordre de grandeur, c’est proche du PIB annuel de la France…
Mais ce n’est pas tout. Voici ce qui s’est passé en 2021 :
- La plateforme d’échange crypto Coinbase est entrée en Bourse
- Le Salvador a fait du Bitcoin une de ses monnaies officielles
- Les premiers ETF crypto ont été créés
- Des personnalités comme Elon Musk, Jack Dorsey ou Michael Saylor se sont publiquement engagés pour l’adoption des cryptos
En résumé, 2021 a été l’année de l’adoption des cryptos par les institutionnels. Et 2022 devrait être celle de leur intégration dans le système financier.
Sauf si…
Le ciel va-t-il nous tomber sur la tête ?
Vous le savez, les Gaulois craignaient que le ciel ne leur tombe sur la tête.
Dans leur conception, le ciel était soutenu par des colonnes qui finiraient bien par tomber… et c’est exactement ce que pensent un certain nombre d’investisseurs crypto.
Pour l’heure, dans la plupart des pays, les cryptos sont accessibles, échangeables, sans qu’une règlementation impossible ne nous plombe. C’est presque trop beau…
Et c’est la raison pour laquelle certains craignent la régulation massive des cryptomonnaies, voire leur interdiction.
Mais pourquoi cela arriverait-il ?
Monnaie de « terroristes »… ou fin du communisme ?
Si vous suivez l’actualité, vous savez que certains politiques (plutôt interventionnistes) et certains businessmen (plutôt des banquiers) se prononcent contre la crypto.
Avec, à chaque fois, les mêmes arguments : « ce sont des actifs qui servent à financer le terrorisme, à verser des rançons aux hackers, à blanchir de l’argent »…
Ou bien l’autre couplet : « ces actifs numériques sont intangibles, ils ne sont adossés à rien, donc ils n’ont aucune valeur intrinsèque ! C’est spéculatif et dangereux ».
Si vous connaissez un peu la crypto, vous savez que ces deux arguments n’ont strictement aucun sens.
Pour un terroriste, la crypto est l’une des pires façons de se financer. Une monnaie aussi traçable et transparente ne convient absolument pas aux organisations criminelles, au contraire de l’argent liquide par exemple.
Si les hackers se font payer en Bitcoins, c’est précisément parce que les États n’ont pas voulu s’y intéresser pendant longtemps, mais il est tout à fait possible de « marquer » informatiquement un Bitcoin qui a servi à payer un pirate, et donc à le rendre inutilisable puisque personne ne l’accepterait par la suite.
D’où l’intérêt pour nos gouvernants de se pencher sur les possibilités immenses des cryptomonnaies…
Le second couplet sur l’intangibilité est tout aussi absurde. D’abord la valeur est toujours relative, même concernant des actifs physiques. Ensuite, il faut se rappeler que de nombreuses cryptos servent à faire tourner le service construit sur la blockchain auquel elles sont rattachées. Il y a donc proposition de valeur.
Enfin, pour Bitcoin, un système d’échange de valeur sécurisé, garanti sans inflation ni manipulation, décentralisé et infalsifiable, ça n’aurait « aucune valeur réelle » ?
C’est la monnaie idéale au sens de Hayek, une monnaie qui n’est associée à aucun État et ouverte à la concurrence d’autres systèmes… En clair, une belle avancée pour l’humanité.
Ce qui m’amène au point crucial.
Ce que craignent nos gouvernants, ce n’est pas que le Bitcoin soit une monnaie de terroristes ou un actif ultra-spéculatif.
Leur vraie crainte, c’est la perte de contrôle sur la monnaie : si le Bitcoin remplit la même fonction que l’Euro, alors le degré de contrôle de l’État sur la vie des gens sera bien moindre.
Si vous vivez en France, vous avez été habitué à un haut niveau d’autorité et de centralisation… vous savez, surtout en ce moment, que le régime présidentiel et l’ensemble des institutions sont conçus pour dominer sans partage.
À votre avis, tout ce petit monde, bien habitué au contrôle… que pense-t-il d’une utopie comme Bitcoin ? Peut-il y voir autre chose que la fin de son règne ?
Comment tuer la crypto : mineurs, plateformes, utilisateurs ?
Notre conclusion, c’est que certains dirigeants détestent la crypto comme certaines souris peuvent détester les chats.
Leur aversion naturelle se passe de détails : Bitcoin c’est la fin du Tout-à-l’État en termes de gouvernance monétaire, donc moins de pouvoir pour eux. Terminé.
La vraie question est de savoir s’ils peuvent nuire aux cryptomonnaies.
Et ce n’est pas aussi simple qu’il paraît.
D’abord, quels sont les acteurs du marché crypto ?
Il y a les mineurs, les fournisseurs d’accès (les plateformes d’échange), les cryptos en elles-mêmes et les utilisateurs/investisseurs.
On peut s’en prendre aux mineurs, comme l’a fait la Chine en les bannissant de son territoire. Ces mineurs sont désormais au Kazakhstan, au Canada, en Géorgie, en République Tchèque…
En clair, à moins d’un bannissement international généralisé, les mineurs auront toujours asile quelque part.
D’autant que la technique de validation employée ne nécessite pas toujours de ferme de minage – un simple ordinateur peut suffire. À mesure que les technologies s’améliorent, le minage se simplifie pour beaucoup de cryptos.
On peut aussi s’en prendre aux plateformes d’échange comme Binance, Coinbase, Kraken… voire couper l’accès à ces sites.
Mais Coinbase, comme on l’a vu, vient d’arriver en Bourse. À votre avis, quel signal enverra l’administration qui fermera le site, mettra des milliers de gens au chômage et fera perdre de l’argent à des millions d’investisseurs ? Elle passera par une administration totalitaire et sera sanctionnée dans les urnes.
Par ailleurs, les échanges deviennent de plus en plus insaisissables et décentralisés avec l’apparition des DEX, des portefeuilles décentralisés et de tous les services qui n’ont plus de « tête » à couper.
Au-delà de cette difficulté technique croissante, un exchange banni aux USA pourra tout à fait s’installer dans une de ces destinations favorables au crypto à travers le monde : Londres veut devenir le nouveau « hub » crypto européen, l’Ukraine et le Kazakhstan veulent attirer, ainsi que de nombreux autres États ou régions.
La même chose est vraie pour les projets crypto : un projet qui se lance en Europe pourra déménager s’il est banni… Et au bout du compte, il y aura toujours un endroit pour l’accueillir.
Consensus impossible
Imaginez-vous la Chine, la Russie, l’Iran, les États-Unis, l’Allemagne, le Brésil, le Japon, les deux Corée, l’Indonésie, Singapour, le Vietnam, la France… Tous d’accord sur un sujet ?
Moi non plus.
Le consensus impossible, c’est l’énorme point bloquant pour ceux qui voudraient combattre les cryptomonnnaies.
Or, les décisions des États dépendent évidemment de ce que vont faire les autres : si vous êtes le seul à interdire les cryptos, toutes les entreprises liées au domaine vont émigrer ailleurs… et vous passerez à côté d’un développement technologique ultra-porteur, de la croissance et des impôts qui vont avec.
Ce sera pareil pour les systèmes de taxation et de régulation : il y aura toujours des endroits du monde plus favorables où les projets crypto iront s’installer.
Pensez aux sièges européens des grandes entreprises : pourquoi sont-ils tous en Irlande à votre avis ? Pour son climat ?
En résumé, on ne peut pas bloquer le développement de la crypto, qui a déjà atteint sa vitesse de libération. Toutes les entreprises liées à la blockchain trouveront asile quelque part, car toutes les économies du monde sont en compétition et n’ont pas les mêmes intérêts.
Peut-on bloquer les utilisateurs ?
La dernière chose à faire, ainsi, serait d’empêcher les gens comme vous et moi d’utiliser la crypto. Comment faire ?
D’abord en rendant la possession de cryptos illégale.
Cela vous rappellera peut-être l’ordre exécutif 6102 de Roosevelt, en 1933, qui avait interdit la possession d’or à tous les Américains.
À l’époque, sur les 14 millions d’onces d’or détenues par les Américains, seulement 21% du total avait été rendu à l’État.
Les gens n’ont pas obéi… et suite à l’interdiction, le cours a grimpé, et tous ceux qui détenaient de l’or et qui ne l’avaient pas revendu de force à l’État ont gagné de l’argent.
Aujourd’hui, les experts estiment qu’il serait beaucoup plus difficile de bloquer l’achat et la vente de cryptomonnaies que d’interdire l’or en 33.
Entre les sites étrangers, les VPN, les comptes à l’étranger, le pseudonymat permis par la blockchain… Ainsi que les dispositifs physiques pour stocker vos cryptos (clés Ledger) et les nouveaux services qui le font pour vous, on arrive à une conclusion claire :
Pour tuer la crypto, il faudrait bannir Internet
D’ailleurs, une grande cadre de la SEC l’a déclaré récemment : « Interdire un protocole open-source décentralisé et pair-à-pair est extrêmement difficile du point de vue technique ».
Vous comprenez pourquoi la Chine a banni les cryptos 6 fois en 8 ans : toutes les mesures prises contre les cryptomonnaies sont vouées à l’échec, à moins de sombrer dans la dictature la plus définitive et couper Internet.
Fait amusant, les pays avec de nombreuses restrictions sur l’accès à l’univers crypto comme le Nigeria comptent paradoxalement la plus grande proportion d’utilisateurs crypto (ici, plus de 40% des Nigérians).
En revanche, il est utile d’apprendre à vous prémunir contre d’éventuelles restrictions (par exemple, utiliser un portefeuille décentralisé) afin de toujours garder vos cryptos proches de vous…
Mais les experts s’entendent pour dire qu’il y aura régulation sur les cryptos, mais pas d’interdiction – pour de nombreuses raisons, entre autres celles que je viens d’évoquer.
D’ailleurs, un dernier point pour conclure cette lettre :
La phrase « Interdire les cryptos » n’a aucun sens
Prenons de la hauteur.
On a parlé des cryptos, mais tout ce qui vient d’être dit concerne surtout un système monétaire concurrent aux monnaies des États. Donc, des protocoles comme Bitcoin.
Mais vous le savez, toutes les cryptos ne sont pas des « variantes » de Bitcoin. Ce qui les lie, c’est la technologie qui est à leur origine, la blockchain.
Or, la blockchain est une révolution technologique qu’il est impossible d’arrêter. Il n’est même pas souhaitable de l’arrêter, même pour nos dirigeants.
La plupart des cryptos sont des « tokens » qui alimentent un service construit sur la blockchain, et donc pas des concurrents à l’euro ou au dollar. Et leur prix varie selon la popularité et l’utilité du service en question.
C’est là un point à retenir : l’univers crypto n’est pas composé d’objets spéculatifs décorrélés du réel.
Voilà pourquoi la phrase « Interdire les cryptos » n’a aucun sens.
D’autant qu’elles ont déjà atteint leur vitesse de libération… On peut s’attendre à une régulation du même type que les actions, pas vraiment plus.
D’ailleurs, dans l’Histoire, les technologies de ruptures se sont toujours imposées sans demander la permission.
Amicalement,
Marc Schneider
PS : En parlant de technologies qu’on ne peut plus arrêter, avez-vous déjà investi dans le Metaverse ? Sa croissance exponentielle est sur le point de démarrer. Cliquez ici pour en savoir plus.
Il est certain que les crypto monnaies commencent à déranger. Les superconglomérats de type Blackrock ( contrôle de 42 000 milliards ), Vanguard, et State Street, ne veulent pas d’un quatrième joueur, démocratique en plus. La censure de l’internet est déjà une réalité en France et aux États-Unis. Le gouvernement du Canada prépare son projet de
censure. Lors que le cadre légal sera en place, rien ne sera plus facile de remplacer « hydroxychloroquine » par « cryptomonnaie » et « ivermectine » par « Bitcoin ».
Bonjour,
Je suis intéressé par votre service « Profits asymétriques » et à ce titre, je me permets de vous soumettre une question.
En ce qui concerne les actions technologiques que vous proposez dans les dossiers de votre service à 49€ la 1ère année, s’agit-il, à l’instar des actions qui figurent dans votre dossier cadeau « 3 entreprises qui vont changer le monde en bien », d’actions dites complexes et faisant également l’objet de frais de courtage et de frais de taux de change (par exemple, sur Degiro) à chaque achat de ces dernières?
En vous remerciant par avance pour votre réponse.
Jérôme
Passionnant de vous lire. Au début, je me méfiais de lire vos lettres, puis, j’ai compris que loin de mettre la pression pour souscrire à telle ou telle offre de cette finance naissante, vous essayiez de nous ouvrir les yeux sur un monde nouveau. C’est difficile de tout comprendre, mais le néophyte que je suis sens que quelque chose se prépare dans le monde de l’argent, qu’il y’a de quoi réfléchir avec l’apparition de s nouvelles technologies…etc. Bravo à vous, j’espère pouvoir comprendre un peu tout ça…cryto monnaies…blockchain…mineurs…VPN…etc. Bonne continuation.
je ne me rappelle pas le titre que vous avez déjà recommandé lorsque vous avez parlé de la plateforme Binance. Je commencerais par regarder de ce côté la pour voir si la performance du titre va s,effondrer comme tous les autres après avoir investi dans le titre…ce qui ressemble déjà à ce qui s,est passé dans le passé lointain et futur..je me souviens encore des dot.com blow out du début des années 2000…alors je demeure prudent quand je vois des dictatures comme la chine et la russie bannir la cryptomonnaie…c,est quand on veut garder le contrôle qu’on agit de la sorte…est-ce que les gouvernements totalitaires du monde entier sont prêts a laisser libre cours a la liberté. J’en doute mais le combat n’est pas encore terminé. bravo marc pour votre contribution a ce débat.
bonjour et merci pour votre newsletter financière et économique intéressante et utile intitulée « les cryptomonnaies vont-elles disparaître ».
cordialement
pierre garcia