L’effet Dunning-Kruger : se prendre pour plus malin qu’on ne l’est

Pourquoi les investisseurs « chevronnés » sont pires que les débutants

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Chère lectrice, cher lecteur,

Je ne sais pas ce que vous pensez du virus, des vaccins ou de la politique sanitaire…

Et honnêtement, ça ne m’intéresse pas.

Ce que j’imagine, en revanche, c’est que vous aussi, vous êtes exaspéré de voir certains membres de votre entourage se prendre pour des experts en gestion de crise ou en génétique.

Car disons-le maintenant, quitte à choquer : non, la France ne compte pas 67 millions d’épidémiologistes.

Non, tous les avis ne se valent pas.

Et cela ne veut pas dire qu’il faut suivre aveuglément ceux qui prétendent savoir, au contraire.

Car vous devez admettre deux choses :

  • Vous n’êtes (probablement) pas un scientifique de pointe, donc votre avis sur la crise sanitaire est limité.
  • Comme vous n’êtes pas un scientifique de pointe, vous ne pouvez pas savoir si ce que racontent les prétendus experts à la télé est vrai : si ça se trouve, ils disent n’importe quoi.

Je m’inclus évidemment dans ce « vous » : mon truc, c’est la finance. Je m’intéresse beaucoup à l’actualité et à la science en général, mais je n’ai pas le niveau pour trancher sur la dangerosité des vaccins ou la bonne politique à mener.

Et c’est là où je veux en venir, pour vous alerter sur un biais psychologique majeur en investissement (et partout ailleurs), sans doute le plus vicieux…

L’effet Dunning-Kruger, ou comment un début d’expérience dans un domaine vous fait partir dans un ego-trip dangereux pour vous… et pour les autres.

Deux ans de pandémie = tous épidémiologistes ?

Vous voyez bien le problème : quand la pandémie a débuté, personne ne savait rien… alors on a confiné, on a attendu, et globalement les gens ont suivi le gouvernement.

Aujourd’hui, après 2 ans d’ouvertures/fermetures/couvre-feux à rallonge, chacun se trouve (légitimement) plus aguerri quant à la crise sanitaire.

Mais posons-nous une question cruciale : sommes-nous vraiment aguerris et compétents au point d’avoir un avis réel, construit et objectif sur des questions aussi brûlantes que l’obligation vaccinale ou les modèles de transmission du dernier variant ?

Certainement pas.

La seule chose que nous avons, c’est un avis de citoyen sur ce que devrait faire l’État, qui vaut autant que celui des autres.

Mais ne prenons pas notre avis pour ce qu’il n’est pas : nous n’atteindrons pas la « vérité » scientifique sur la gestion de la pandémie.

En démocratie, la valeur de votre avis n’est pas fonction de son degré de vérité.

Que vous soyez un surdoué ou un abruti, la démocratie dit que vous représentez 1/48 000 000ème de la société française – car on compte 48M d’électeurs environ.

Et votre avis correspond à ce que vous voulez, pas à ce qui est nécessairement le plus juste ou le plus proche de la vérité.

Si ça n’était pas là l’esprit de la démocratie, il n’y aurait aucun sens à faire voter les gens à la Présidentielle, dans la mesure où les sujets les plus importants (politique monétaire, rapport à l’Europe, gestion économique et climatique) sont trop techniques pour l’écrasante majorité des votants.

La démocratie, c’est ce qu’on veut, pas ce qui est vrai.

L’objet n’est pas de savoir si c’est la démocratie est une bonne chose.

C’est de comprendre la différence entre « mon avis » et « ma conception de la vérité avec ses limites », et le glissement qui peut s’opérer de l’un à l’autre.

Mais pourquoi je vous raconte ça ?

L’effet Dunning-Kruger est le biais psychologique qui explique pourquoi les Français se prennent tous pour des épidémiologistes après 2 ans de pandémie… mais pas que.

Il explique aussi pourquoi des investisseurs expérimentés font des erreurs parfois plus graves et plus nombreuses que des débutants complets.

Et c’est là que ça nous intéresse.

On peut résumer cet effet par la courbe suivante, dessinée par mes soins :

En résumé : dès que vous acquérez un peu d’expérience, vous avez tendance à vous surestimer. Vous pensez que vos connaissances sont suffisantes pour prendre certaines décisions audacieuses, pour outrepasser certaines règles de base… et, surprise, il vous arrive (souvent) d’échouer.

Ensuite, le réel vous rattrape : les quelques principes que vous connaissez ne suffisent pas, la vie est plus compliquée que prévu… Vous vous sentez mauvais, illégitime. C’est bon signe : vous avez à présent assez de discernement pour mesurer l’ampleur de votre ignorance. C’est le début de la sagesse.

Enfin, vous reprenez confiance. Votre expérience s’approfondit, vous devenez un vrai pro – et pas un rigolo comme au début de la courbe. Cette fois, votre confiance est légitime, alignée avec vos compétences réelles. Vous atteignez tranquillement l’équilibre.

C’est un schéma en 3 étapes : Montagne de la stupidité – Vallée de l’humilité – Plateau de la consolidation.

Nous avons tous vécu ça à un moment ou un autre.

Moralité (et application à l’investissement)

Une étude menée en Nouvelle-Écosse (Canada) sur les personnes qui se perdaient en forêt donne un résultat intéressant : les enfants de moins de 6 ans survivent largement mieux que les enfants de 7 à 12 ans.

Pourquoi ? Simplement parce qu’avant 6 ans, l’enfant compte sur son instinct plus que sur les bribes de connaissances qu’il croit avoir digérées, ce que font les enfants de 7 à 12 ans.

Donc un enfant de 5 ans prendra sans doute moins de risques inutiles qu’un enfant de 9 ans, qui ne sait plus de quel côté pousse la mousse sur les arbres ni quelle étoile il faut suivre dans le ciel…

En Bourse c’est pareil : quand vous pensez avoir du « flair » sur l’analyse technique, ou que vous connaissez 2-3 ratios utiles mais dont vous surévaluez l’importance…

Vous risquez beaucoup plus la sortie de route qu’un débutant qui suit à la règle les principes cardinaux de l’investissement.

Bien sûr, vous trouvez ces principes cardinaux barbants. Vous pensez qu’il s’agit d’un ensemble de préceptes pour éviter que les amateurs se fassent plumer… et que vous valez mieux que ça. Que vous voyez plus loin.

Mais depuis la Grèce antique, on sait que le péché d’hybris, la démesure sous toutes ses formes, attire toujours la némésis, le retour de bâton en pleine tête.

C’est pour cette raison que je me permets de vous remettre en accès libre (et téléchargeable !) mon guide Apprendre à investir en partant de zéro : il y a peu de règles à suivre, mais elles vous éviteront peut-être l’effet Dunning Kruger.

Quelques derniers conseils :

  • Soyez patient, soyez humble
  • Lisez beaucoup et surtout, lisez des gens qui ne sont pas d’accord avec vous
  • Quand vous avez un avis clair, mettez-vous dans la peau de celui qui a l’avis opposé, et essayez de vous convaincre vous-même. C’est peut-être le meilleur exercice à faire, si on le fait bien, pour éviter de se tromper.

Cela vaut pour la finance, pour la vie en général, mais surtout, cela vaut pour tout le monde – que vous fassiez partie de la multitude, ou que vous comptiez parmi « l’élite ».

Amicalement,

Marc Schneider

PS : Vous devriez lire ceci. C’est LA grosse tendance technologique qui pourrait exploser cette année. Investir aujourd’hui, c’est comme investir sur Internet en 1989.

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Migeat
Migeat
2 années il y a

Bonjour
Je ne suis pas effectivement un epidemiologiste, mais je m’informe et constate dans la vie réelle que depuis 2 ans on nous enfume régulièrement, que l’on bidouille les chiffres et la réalité ne correspond pas vraiment aux faits.

Micout
Micout
2 années il y a

Bonjour,
Je n’ai pas vraiment compris cette phrase : « L’objet n’est pas de savoir si c’est la démocratie est une bonne chose. »
Pour ce qui concerne le « vrai » lire Nietzsche, et se rappeler que la « science » ce n’est pas le vrai qui change constamment mais le doute…

Marcel Desmarais
Marcel Desmarais
2 années il y a

Bonjour , ayant lu votre article je résume dans ma compréhension des choses: les débutants par manque d’expérience font confiance aux élites, pour prendre de l’expérience et en voulant en arriver à égal à la sphère des élites, mais que la place des élites est déjà établie et qui se remplace par du déjà déterminé ainsi va la vie vous voulez un raisonnement qui dicte bien ce que j’avance prenons les institutions financière et les banques ils investissent avec l’argent du peuple ces institutions sont des fonceurs mais advenant une erreur dans leur démarche qui en paie le prix dans sa totalité : ((le peuple)) mais advenant un résultat positif qui empoche le plus :les institutions et l’autre partie est réinvesti dans une nouvelle combine en n’oubliant pas de remettre un petit montant au peuple sous forme d’intérêt tout en étant toujours sous le coût de la vie .etj’entediresouvent

CHESNEL
CHESNEL
2 années il y a

Bonsoir,

je suis mal à l’aise à la lecture de votre lettre :

je suis surpris que vous ne parliez pas de la cohérence.

Avec la science l’homme croit être sure et puissant, plus puissant que la nature.
L’homme crée des lois contre nature et contre la nature et il s’étonne que la nature ne se comporte pas comme l’homme avait prévu !

La vérité : qu’est ce que la vérité ? La réalité n’est pas la même chose que la vérité. La réalité est déjà bien difficile à connaître, alors la vérité ! (scientifique ou non, pensons à Galilée).

La démocratie : Quelle démocratie ? La démocratie représentative n’est pas la démocratie, désolé.

Investisseurs : Attention de ne pas confondre investir et spéculer !

J’ai vraiment du mal à avoir confiance en vos conseils !