Chère lectrice, cher lecteur,
Cette semaine, certains experts des marchés ont remarqué qu’un indicateur important venait de passer au rouge…
Nommé en l’honneur de sa créatrice (Claudia Sahm, ancienne économiste de la Fed), l’indicateur “Sahm” permet d’identifier le début d’une récession.
Pour être précis, il compare la moyenne mobile du chômage sur trois mois avec son plus bas niveau des 12 mois précédents.
Et si la moyenne mobile a augmenté d’au moins 0,5 point de pourcentage au-dessus de son plus bas niveau sur 12 mois, alors cela signifie qu’une récession a commencé.
Fin juin, son niveau s’établissait à 0,43.
Fin juillet, la faiblesse des données sur l’emploi l’a poussé au-dessus du seuil de 0,5.
Et désormais, il s’élève à 0,53.
L’indicateur ‘Sahm” indique donc clairement que nous sommes entrés en récession.
De plus, on peut considérer que son signal est très fiable, car il a fait ses preuves en matière d’avertissement des récessions au cours des 50 dernières années.
Pourtant…
Claudia Sahm elle-même ne semble plus d’accord avec ce constat.
Elle a récemment publié un article sur Bloomberg intitulé Ma règle de récession était censée être enfreinte, dans lequel elle déclare :
“Les États-Unis ne sont pas en récession, même si l’indicateur qui porte mon nom le dit. La règle “Sahm”, qui a été déclenchée par le rapport sur l’emploi plus faible que prévu, rejoint une longue liste d’outils économiques faussés par les perturbations inhabituelles des quatre dernières années et demie.”
Donc selon elle, après des années de bons et loyaux services, son indicateur ne serait plus fiable…
C’est surprenant.
D’autant que de nombreux autres économistes sont encore d’accord avec le résultat de la règle de “Sahm”.
Comme par exemple l’analyste Mike Green, de Simplify Asset Management, qui affirme que “nous sommes presque certainement dans une récession qui a probablement commencé au quatrième trimestre 2023”.
Mais je pense savoir pourquoi Sahm n’est plus intéressée par respecter les résultats de son propre indicateur…
Elle a admis qu’elle avait créé cet outil pour “agir comme un déclencheur automatique de la politique budgétaire, comme les mesures de relance, en cas de ralentissement économique”.
“Automatique” signifie que, si vous êtes un responsable politique et que vous voyez cet indicateur s’allumer, vous êtes censé dire que quelque chose doit être fait le plus tôt possible.
C’était donc très pratique de l’utiliser quand elle travaillait à la Fed.
Mais depuis, Sahm a quitté la Fed.
Elle travaille maintenant pour la société de gestion d’actifs New Century Advisors.
Et il est donc probable que sa parole ne soit plus aussi “désintéressée” qu’avant…
Car dans le monde de la gestion d’actifs, tout le monde sait que l’on gagne de l’argent en obtenant et en conservant les actifs de ses clients.
Or, cela n’aurait aucun sens de leur faire peur, ou de perdre leurs actifs, en prédisant une récession.
Elle ne veut donc certainement pas être la première à déclarer qu’il y a une récession (même si son indicateur le montre), car ses patrons et ses clients pourraient le lui reprocher.
Je pense qu’elle osera parler de récession seulement quand le monde entier le saura déjà… c’est-à-dire quand il n’y aura plus rien à craindre à l’annoncer.
C’est une illustration typique du concept de déni plausible, qui est de faire croire aux gens que vous n’avez pas eu connaissance d’un fait désagréable plus tôt que les autres.
Ainsi, lorsque son indicateur, avec un historique parfait, indique que nous sommes entrés en récession, elle doit faire des claquettes dans un éditorial de Bloomberg pour dire quelque chose qui ressemble à : “Non mais vous savez, la règle de “Sahm” est faite pour être enfreinte, ce n’est pas une récession, je le jure, ne me virez pas, s’il vous plaît !”
Pour finir, il faut noter que l’investisseur le plus célèbre du monde semble tout aussi préoccupé que moi…
Warren Buffett a vendu plus de la moitié de la plus grande position qu’il détenait dans Berkshire Hathaway : Apple.
En décembre dernier, il détenait plus de 900 millions d’actions Apple.
Fin mars, 789 millions.
Et fin juin, seulement… 395 millions !
Ce mouvement de vente est gigantesque.
Et où met-il l’argent ?
Dans l’endroit le plus sûr qu’il puisse trouver…
Berkshire possède désormais plus de bons du Trésor américain que la Réserve fédérale : 235 milliards de dollars (contre 195 milliards de dollars pour les obligations du Trésor à court terme de la Fed).
Bloomberg estime que Berkshire a payé ses actions Apple à un prix moyen de 37,51 dollars.
Et avec un cours de revente supérieur à 200 dollars, on peut déduire que Buffett a réalisé une plus-value de + 460 % sur cette position.
Mais retenez bien cette information capitale :
Le grand Warren Buffett – qui affirme que sa période de détention préférée pour les actions est éternelle – vient de vendre une quantité astronomique de sa plus grande position, et à la place, il a acheté massivement des bons du Trésor.
Pourtant c’est un investisseur à long terme qui aime détenir des actions.
Cela signifie donc qu’il ne voit rien en ce moment sur les marchés qui offre un meilleur rendement que les obligations américaines…
Et ce mouvement historique corrobore le fait que nous soyons probablement entrés en récession, comme le montre l’indicateur “Sahm”.
Concrètement, cela doit vous inciter à limiter les risques sur les marchés et à rechercher uniquement des entreprises qui ont :
- des fondamentaux sains
- un cours non surévalué
- et un business model solide qui permet d’engranger des bénéfices, y compris en période de récession
Bon investissement,
Dan Ferris
Eagle Point, Oregon