Billet Dan Ferris du 18/05/2023

Chère lectrice, cher lecteur,

Le marché se trompe

Avant de vous expliquer ce que j’entends par là, sachez que je sais à quel point cela peut paraître stupide.

Comme si moi – un simple analyste à la langue bien pendue – pouvait avoir raison et que des millions de personnes qui étudient et investissent chaque jour sur le marché pouvaient avoir tort.

Mais je n’ai pas dit que j’étais plus intelligent que le marché. Personne ne l’est.

J’ai simplement dit que le marché se trompait. Et je sais que je ne suis pas le seul à le penser.

Le marché se trompe sur l’inflation.

L’indice des prix à la consommation (IPC) – l’indicateur d’inflation le plus largement suivi – a augmenté de 4,9 % en avril.

Cette hausse est inférieure à celle de 5 % enregistrée en mars et représente la dixième baisse mensuelle consécutive du taux d’inflation en glissement annuel.

Naturellement, le marché boursier a réagi en augmentant ce jour-là. Le Nasdaq a augmenté de 1 % mercredi. L’indice S&P 500 a progressé de près de 0,5 %.

Tous ceux qui ont lu mes derniers messages, ou qui sont abonnés à ma publication premium Stratégie Haut Rendement le savent : je n’aime pas perdre mon temps avec des chiffres trop précis. En général, nous n’avons pas besoin d’avoir des chiffres à quatre décimales…

 

Mais c’est exactement le genre de chiffres que je vais choisir maintenant…

En mars, l’IPC n’a pas vraiment augmenté de 5 % par rapport à mars 2022. Il l’a dépassé de 4,9850 %.

Et l’indice d’avril n’était pas vraiment de 4,9 %, mais de 4,9303 %.

Donc la différence entre ces deux relevés était en réalité de 0,0547 point de pourcentage (et non de 0,1 %). En arrondissant les chiffres, comme le fait presque toute la presse, la différence a généralement été rapportée comme étant deux fois plus importante que ce qui s’est réellement passé.

Alors, à vous de jouer. L’inflation a-t-elle baissé en avril par rapport à mars… ou est-elle restée stable ?

Vous auriez raison dans les deux cas, mais le récit de la presse et la réaction du marché mercredi étaient résolument haussiers, ce qui signifie que l’interprétation était que l’inflation avait baissé en mars.

Si l’on examine le graphique des variations de l’IPC en glissement annuel, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la plupart des gens disent : “L’inflation a baissé, Dan. Et dans l’ensemble, elle ne fait que baisser. C’est un fait. Il faut l’admettre. Tu as tort sur ce point” :

Après avoir stagné pendant une vingtaine d’années, l’inflation a atteint l’an dernier des sommets inégalés depuis 40 ans. Aujourd’hui, elle est repartie à la baisse parce que la Fed a relevé les taux d’intérêt, c’est du moins ce que l’on dit. Personne ne vous reprochera de regarder ce graphique et de dire que l’inflation est dans une tendance baissière.

Jusqu’à présent, nous n’avons parlé que des augmentations de l’IPC mensuel en glissement annuel, mais…

 

Prenons un autre exemple et examinons les variations de l’IPC en glissement mensuel…

L’IPC a augmenté de 0,4 % en avril, par rapport à son niveau de mars.

Je suis un peu surpris que personne ne parle de ce chiffre d’un mois sur l’autre, qui est supérieur de 0,3 % à la hausse de 0,1 % enregistrée entre février et mars. Je crois me souvenir qu’on en parlait davantage lorsque l’augmentation était de seulement 0,1 %.

Considérons les variations mensuelles des six derniers mois :

En examinant ces chiffres, diriez-vous que l’inflation a baissé, augmenté ou est restée à peu près la même depuis six mois ? Et concluriez-vous que l’inflation est susceptible de baisser, d’augmenter ou de rester stable au cours des six prochains mois ?

Il me semble que l’inflation mensuelle de l’IPC a été relativement stable au cours des six derniers mois, oscillant entre 0,1 % et 0,5 % par mois. Mais en baisse ? Je ne le vois pas vraiment. Il n’y a pas de tendance à la baisse de l’inflation. Elle est stable.

Et voici le graphique des variations mensuelles sur le même nombre d’années que celui que nous avons fait plus haut pour les variations en glissement annuel :

La ligne rouge se situe à zéro. Vous pouvez constater que la plupart du temps, les variations mensuelles de l’IPC ont été proches de cette ligne. Au cours des deux dernières décennies, il n’y a eu qu’une poignée de fois où l’IPC s’est effondré en un seul mois. Et il n’est pas descendu en dessous de zéro depuis la crise pandémique de 2020.

 

J’ai aussi remarqué quelque chose d’autre dans ce rapport sur l’IPC…

L’IPC dit “de base” exclut les prix des denrées alimentaires et de l’énergie. L’idée derrière est que les prix de l’alimentation et de l’énergie sont volatils et pourraient avoir trop d’influence sur le tableau général de l’inflation. En les excluant, on obtient donc une image plus précise de la tendance inflationniste sous-jacente de l’économie. Cela me semble idiot, mais d’accord.

Quoi qu’il en soit – et quoi que vous pensiez de la logique qui sous-tend l’IPC “de base” – celui-ci a augmenté de 5,5 % en avril par rapport à avril 2022.

Voilà donc à quoi correspondent les chiffres de l’IPC.

Bien sûr, nous avons un petit problème avec tout cela, n’est-ce pas ?

Car la Réserve fédérale ne se soucie guère de l’IPC. Elle préfère mesurer l’inflation à l’aide de l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle (PCE).

Peu importe pourquoi elle le préfère à l’IPC. C’est tout simplement ce qu’elle fait. Lorsqu’elle parle d’inflation et qu’elle envisage sa prochaine décision politique, c’est sur les données PCE suivantes qu’elle se penche et NON sur les deux graphiques de l’IPC ci-dessus…

Voici les données de l’indice PCE :

Une fois de plus, nous assistons à une évolution latérale pendant quelques décennies. Puis, vlan, il atteint un sommet et semble alors entrer dans une tendance baissière.

Mais si vous y regardez de plus près, vous remarquerez quelque chose…

Les variations annualisées de l’indice PCE ont atteint un sommet de 5,4 %. Les quatre derniers relevés se situent tous approximativement entre 4,6 % et 4,7 %. Cela représente une différence maximale d’environ 0,8 point de pourcentage.

On pourrait donc arrondir toutes les données de l’indice PCE depuis novembre 2021 et dire : “L’indice a tourné autour de 5 %, à 0,3 ou 0,4 point de pourcentage près, pendant un an et demi”.

 

Si vous travaillez pour la Fed et que vous devez réfléchir à l’évolution des taux d’intérêt, vous pourriez même dire quelque chose comme…

“L’inflation oscille autour de 5 % depuis 18 mois. Elle se situe encore à près de 3 % au-dessus de notre objectif de 2 %. De nouvelles hausses des taux d’intérêt seront donc probablement nécessaires.”

C’est exact. La Fed vise 2 % et tout le monde le sait.

La variation annualisée de l’IPC a culminé l’été dernier à plus de 9 %. Aujourd’hui, elle est inférieure à 5 %, soit une baisse d’environ quatre points de pourcentage. C’est un changement important. Encore 0,5 point de pourcentage et il sera à la moitié de sa valeur maximale. Si vous considérez cela, je comprends que vous pensiez que l’inflation est en chute libre.

Mais je ne vois pas comment on peut se permettre d’être suffisant et confiant dans le fait que l’inflation est maîtrisée alors qu’elle se situe toujours à près de trois points de pourcentage au-dessus de l’objectif de la Fed, plus d’un an après le début du cycle de resserrement le plus important depuis 1980.

 

Nous en revenons donc à notre point de départ, lorsque je vous dis que le marché se trompe sur l’inflation…

Par exemple, une partie du marché estime que la Fed laissera les taux d’intérêt inchangés lors des deux prochaines réunions du Federal Open Market Committee (FOMC)… et qu’elle commencera à les réduire par la suite.

Aujourd’hui, l’outil FedWatch du Chicago Mercantile Exchange indique qu’il existe une probabilité de 82 % que la Fed laisse les taux inchangés lors de sa réunion des 13 et 14 juin et une probabilité de 57 % qu’elle fasse de même lors de la réunion des 25 et 26 juillet.

Nous avons déjà mentionné l’outil FedWatch. Il transforme les prix des marchés à terme en estimations de la probabilité que le taux de la Fed soit à un certain niveau, à une certaine date.

Une probabilité de 82 % signifie que le marché a peu de doutes sur le fait que la Fed laissera les taux inchangés le mois prochain.

 

Wow… J’aimerais pouvoir être certain à 82 % de quelque chose d’autre que de la mort et des impôts…

J’aimerais pouvoir comprendre comment on peut être certain que la Fed a fini d’augmenter ses taux et qu’elle va bientôt commencer à les réduire, alors que son baromètre d’inflation préféré, largement discuté, se situe solidement autour de 5 % depuis 18 mois.

Et il se situe toujours à environ 0,4 point de pourcentage de 5 % aujourd’hui.

Il sera peut-être un peu plus bas la prochaine fois qu’il sera publié. Cela signifiera peut-être que l’inflation devient chaque jour un peu moins problématique… Mais la question de savoir s’il faut parier sur cela est tout à fait différente.

Le marché obligataire ne semble pas non plus très préoccupé par l’inflation à l’heure actuelle…

Depuis l’éclatement de la crise bancaire régionale en mars, le rendement des bons du Trésor à deux ans est passé de 5 % à moins de 4 %. Le rendement de l’obligation à 10 ans est passé de 4 % à environ 3,4 %. L’idée est que puisque la Fed a cassé les banques en augmentant les taux, elle devra bientôt les baisser pour les réparer.

 

Mais comme l’a déclaré Jamie Dimon, protecteur du royaume bancaire et défenseur du statu quo…

Dans une interview accordée à Bloomberg : “Nous sommes à la fin de la crise bancaire régionale”.

J’ai déjà dit que je ne pensais pas que la crise était terminée et que d’autres banques allaient faire faillite, mais si M. Dimon avait raison ? Cela signifierait que la Fed n’a plus à se préoccuper des banques. Cela signifierait qu’elle n’aurait plus à se soucier d’augmenter les taux si elle le jugeait nécessaire.

Cela m’amène à mon dernier graphique. Il s’agit de l’IPC lui-même… l’indice des prix réels. Car si vous regardez les variations en glissement annuel, l’inflation semble volatile. Mais si vous regardez l’indice réel, il ne semble pas si volatil.

Il ne fait que monter, monter et monter… encore et encore :

L’inflation est insidieuse. Elle est toujours présente. Et préparez-vous à ce qu’il y en ait davantage.

 

Une dernière chose…

Les comparaisons avec l’époque de l’inflation des années 1970 ne sont pas une mauvaise idée. J’en ai moi-même fait quelques-unes. Mais nous ne sommes plus dans les années 1970. L’environnement économique était alors plus favorable.

Au début des années 1970, le budget de l’État était excédentaire et lorsqu’il est devenu déficitaire, ce déficit n’a jamais dépassé 4,4 % du produit intérieur brut (PIB). Il s’est établi en moyenne à 1,7 % au cours de la décennie, selon des données compilées par Bloomberg.

Aujourd’hui, le déficit représente 5 % du PIB.

Dans les années 1970, le ratio dette/PIB n’a jamais atteint 36 %.

Aujourd’hui, il est de 120 %.

Ce n’est pas une coïncidence si nous avons de grosses dettes, de gros déficits et une inflation élevée depuis plusieurs décennies. C’est ainsi que cela fonctionne.

Cela a été le cas sur les marchés financiers pendant la plus grande partie de ma vie. Et s’il est possible que l’inflation soit pratiquement terminée, il est bien trop tôt pour s’en réjouir…

Dans tous les cas, les actifs qui pourraient vous permettre de protéger votre épargne de l’inflation rampante ne sont pas nombreux, mais ils existent.

La stratégie à suivre est de diversifier votre patrimoine, si possible en dehors du système bancaire.

Pour cela, voici 3 solutions simples qui vous aideront à préserver votre pouvoir d’achat à long terme

Bon investissement,

Dan Ferris

Eagle Point, Oregon

 

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