Votre meilleure idée pourrait maintenant être la pire
Chère lectrice, cher lecteur,
Ils ont finalement arrêté Sam Bankman-Fried…
La police royale des Bahamas a arrêté le 13 décembre le fondateur de la plateforme de cryptomonnaies FTX en vue de son extradition vers les États-Unis, qui l’ont ensuite inculpé de huit chefs d’accusation de fraude et de complot.
Le nouveau PDG de FTX, John Ray III, a déclaré au Congrès lors d’un témoignage :
“Il s’agit vraiment d’un détournement de fonds à l’ancienne.”
En d’autres termes, il s’agit de prendre l’argent des clients et de l’utiliser à des fins personnelles.
J’ai évoqué la possibilité que Bankman-Fried, aussi connu sous le nom de “SBF”, soit arrêté plus d’une fois, y compris dans mon édito du 9 décembre lorsque j’ai dit ceci…
“Et bien que je ne sois certainement pas un enquêteur criminel, je crois que ce qu’il a dit pourrait le faire arrêter.
Comme Bankman-Fried l’a admis au Wall Street Journal, ces dépôts ont été virés à la société Alameda et… je ne peux que spéculer sur ce qui s’est passé après ça.
Les dollars sont fongibles les uns avec les autres. Et donc ce n’est pas comme s’il y avait ce billet de un dollar ici que vous pouvez retracer du début à la fin.
Bankman-Fried vient-il vraiment de dire qu’il “ne peut que spéculer sur ce qui est arrivé” à des milliards de dollars de dépôts de clients parce que tous les billets de un dollar se ressemblent ?”
Et j’ai aussi dit ceci…
“Bankman-Fried pense qu’il est franc à propos de la chute de FTX. Mais pour les forces de l’ordre, il les met au défi de se bouger les fesses, de le faire expulser aux États-Unis et de l’arrêter (je ne suis pas non plus avocat, mais je suppose que cela peut arriver)”.
En effet, les deux premiers chefs d’accusation sont conspiration de fraude électronique et fraude électronique sur les clients pour…
“… avoir détourné les dépôts de ces clients et avoir utilisé ces dépôts pour payer les dépenses et les dettes d’Alameda Research, le fonds spéculatif cryptographique propriétaire de Bankman-Fried et pour réaliser des investissements”.
Il a continué à dire des choses stupides, apparemment jusqu’à ce que la police des Bahamas commence à frapper à sa porte.
Dans une interview réalisée quelques heures avant son arrestation, Bankman-Fried a déclaré, lors d’un chat Twitter Spaces avec “Unusual Whales”, qu’il prévoyait de témoigner devant le Congrès mais qu’il le ferait à distance parce qu’il était “assez surbooké” et qu’il s’inquiétait des “paparazzis” à Washington… et non parce qu’il pensait être arrêté sur le sol américain.
Et avant cela, lors d’une interview avec la BBC, comme le rapporte le site DailyWire.com…
“Le futur prodige des actifs numériques a déclaré qu’il était prêt à “donner n’importe quoi” pour lancer une nouvelle entreprise et gagner les fonds nécessaires pour rémunérer les investisseurs et les clients. “Je vais essayer si je peux”, a-t-il ajouté”.
SBF n’a pas dit où il trouverait l’argent… ni s’il lui en reste. Il y a quelques mois, il affirmait n’avoir plus que 100’000 dollars à son nom, nous savons donc qu’il ne mettra pas son propre capital en danger. Par ailleurs, est-il possible de lever des fonds pour une nouvelle entreprise lorsque l’on est en prison pour des accusations de fraude liées à la précédente ? Encore une fois, je ne suis pas avocat, mais la prison doit rendre tout plus difficile.
SBF aurait besoin d’attirer des capitaux d’investisseurs pour démarrer une nouvelle entreprise. Pouvez-vous l’imaginer en train de vous présenter cette entreprise en tant qu’investisseur ?
“Hé les gars, je suis en prison et je pourrais bientôt être condamné pour huit chefs d’accusation de complot, de fraude et de blanchiment d’argent, et j’ai dit une douzaine de fois que je suis loin d’être aussi compétent que je le pensais, et je ne suis jamais les conseils de mes avocats parce que je continue à penser que je suis plus intelligent que tout le monde, même si j’ai prouvé le contraire sans l’ombre d’un doute, mais je veux que vous me donniez 10 millions de dollars pour que je puisse lancer une nouvelle entreprise et rembourser tous les gens qui se sont fait avoir par la précédente, par altruisme et tout ça”.
Normalement – quoi que cela veuille dire de nos jours – j’aurais dû en rire et passer à autre chose. Puis je me suis souvenu du membre du Bull Club Adam Neumann.
Vous vous souvenez sûrement de Neumann…
Il a cofondé WeWork, une entreprise dont l’activité, plutôt banale, consiste à louer des bureaux à des startups. Dans la frénésie spéculative de 2019, la personnalité colorée de Neumann a permis à l’entreprise d’obtenir une évaluation de 47 milliards de dollars.
Elle a tenté de s’introduire en bourse, mais les investisseurs se sont montrés réticents face à certaines informations divulguées dans les premiers documents de pré-initiation à l’offre publique (“IPO”) de l’entreprise, notamment la façon dont Neumann possédait des bâtiments que WeWork louait et empruntait 30 millions de dollars à WeWork à des taux aussi bas que 0,2 %. La déclaration de mission idiote de la société était “d’élever la conscience du monde”.
WeWork a déposé son premier document d’introduction en bourse le 14 août 2019. L’accueil du public a été si affreux que Neumann a démissionné de son poste de PDG un peu plus d’un mois plus tard, le 24 septembre.
On pourrait penser que c’était la fin de la capacité de Neumann à attirer d’importantes sommes de capital d’investissement, mais en mai 2022, le service de presse mondial Reuters a rapporté que sa nouvelle entreprise, Flowcarbon, avait attiré un investissement de 70 millions de dollars. L’entreprise est une “plateforme d’échange de crédits carbone basée sur la blockchain” (si je couvrais cette entreprise en tant qu’analyste, je pourrais prévoir une croissance à trois chiffres des “mots à la mode” au cours de la première année et des pertes de 100 % pour les investisseurs).
Puis, en août, le New York Times a rapporté que M. Neumann avait lancé une nouvelle société d’immobilier résidentiel appelée Flow, qui avait attiré un investissement de 350 millions de dollars de la part de la société de capital-risque de la Silicon Valley Andreessen Horowitz.
Lorsque Marc Andreessen a écrit à ses investisseurs pour annoncer l’investissement – le plus important de l’histoire de sa société – il a déclaré que l’entreprise de Neumann résolvait la crise nationale du logement et a ensuite qualifié la location d’un appartement “d’expérience sans âme”. Peu avant l’annonce, Andreessen et sa femme ont publié un commentaire public s’opposant à un complexe d’appartements dans leur quartier.
On dirait que c’est le genre d’homme de Neumann : un milliardaire qui parle de rendre le monde meilleur d’un côté de la bouche, tout en gardant la populace hors de son quartier de l’autre.
Je ne sais pas ce que font Flowcarbon et Flow ces derniers temps, mais je suis prêt à parier qu’elles n’ont pas gagné un centime. En fait, je vais prendre un risque et faire quelque chose que je ne fais presque jamais : faire une prédiction.
Aucune entreprise Adam Neumann ne gagnera jamais un centime…
Et je ferai la même prédiction à propos de Bankman-Fried. Aucune entreprise SBF ne gagnera jamais un centime.
Ce sont tous deux de jeunes entrepreneurs pleins d’orgueil et d’aspirations philanthropiques, qui manquent de sens des affaires et sont très attachés aux signaux de vertu et aux vices personnels.
Ils courent dans tous les sens en prétendant vouloir changer le monde pour devenir riches, donner leur argent et nous montrer les merveilles de l’altruisme. Les gens disent à quel point ils sont brillants… Mais des gens comme Neumann et Bankman-Fried ne tiennent que des promesses et des plans. Les succès commerciaux resteront insaisissables.
Que SBF parle de sa prochaine affaire alors que l’équipe de nettoyage a à peine commencé d’éponger son dernier fiasco ne devrait pas nous surprendre. Le faire juste avant son arrestation peut sembler gênant, mais lorsqu’il sortira de prison dans quelques années et que la presse financière rapportera qu’il a levé 50 ou 100 millions de dollars pour une entreprise de crypto, blockchain, climat, carbone ou autre mot à la mode très douteux, je ne sourcillerai pas.
Les frasques de Neumann ont au moins été tenues à l’écart des investisseurs particuliers jusqu’à présent et il n’a jamais été arrêté. Mais beaucoup de petits investisseurs ont perdu des tonnes d’argent lorsque FTX a implosé. Bloomberg a raconté l’histoire d’un employé d’une compagnie d’assurance-vie de 33 ans dont les dernières économies – 10’000 dollars – se trouvent sur un compte commercial FTX verrouillé. FTX compte plus d’un million de créanciers. Il y a beaucoup plus de gens comme ce type dans l’article de Bloomberg.
Entre les fortes baisses des cryptomonnaies et les actions technologiques hautement spéculatives…
Les investisseurs particuliers sont passés de héros à zéro en deux ans…
Ils ont rapidement émergé comme une nouvelle force sur le marché en 2020 et 2021, après avoir été bousculés pendant des années par les investisseurs institutionnels. Ils ont publié des messages sur des babillards électroniques tels que le forum WallStreetBets de Reddit et ont fait grimper les prix des mèmes-actions comme GameStop (GME), AMC Entertainment (AMC) et Bed Bath & Beyond (BBBY).
Ces épisodes ont conduit le fonds spéculatif Melvin Capital à fermer ses portes en raison de paris douteux sur GameStop, malgré un sauvetage de plusieurs milliards de dollars par les fonds spéculatifs Citadel et Point72 Asset Management.
Encouragés par leur histoire à succès de David contre Goliath, les investisseurs en mèmes-actions ont continué et ont provoqué des pics de couverture à découvert similaires dans d’autres entreprises perdant de l’argent et fortement court-circuitées.
Ces actions et leurs partisans ont été écrasés cette année, avec BBBY en baisse d’environ 80 %, GME de 43 % et AMC de 78 %. Pourtant, les partisans des mèmes-actions continuent de publier des messages sur Twitter, notamment des hashtags comme #tothemoon et #MOASS (mother of all short squeezes).
Mais regardez comment leurs actions préférées se sont comportées l’année dernière…
Comme le montre le graphique, l’armée de la vente au détail a été matraquée cette année, malgré deux reprises significatives des mèmes-actions en mars et en août.
Les mèmes-actions n’ont pas été leur seul pari désastreux en 2022…
Selon un article du Wall Street Journal, l’armée des particuliers a placé un montant net de 1,9 milliard de dollars dans l’un de ses véhicules spéculatifs favoris – l’ARK Innovation Fund (ARKK) – au cours des cinq premiers mois de l’année. Et ils ont acheté la baisse, puisque le fonds a chuté de 53 % au cours de cette période.
Finalement, ils ont échoué. Depuis le 31 mai, ARKK a encore chuté de 11 % et se négocie à environ 75 % en dessous de son sommet historique.
Il a été dit à plusieurs reprises que le marché haussier de 2009 à 2022 a été alimenté par l’argent bon marché fourni par la Réserve fédérale et d’autres banques centrales mondiales.
Il semble bien que les investisseurs particuliers soient tombés sous le même charme. Entre les fermetures de COVID-19, les chèques de relance et la suspension des paiements des prêts étudiants, ils se sont retrouvés avec du temps libre et de l’argent à brûler. Ils ont acheté des actions, ont suffisamment fait jouer leurs muscles pour provoquer quelques ventes à découvert et se sont sentis plus forts.
Mais au final, les fondamentaux ont triomphé. Les valeurs douteuses qui perdent de l’argent, d’ARKK aux sociétés d’acquisition spécialisées en passant par les mèmes-actions, ont toutes été détruites. Il n’est plus possible de se sentir intelligent en les achetant, à moins de les vendre avec un bénéfice.
Ce que les hyperbulls de détail ont tendance à ne pas réaliser jusqu’à ce qu’il soit trop tard, c’est que des catégories entières d’actions ont tendance à surperformer pendant des années… puis à sous-performer pendant des années. Il arrive un moment où acheter le creux de la vague est financièrement suicidaire. C’est terminé. Il est temps de passer à autre chose.
Le régime a changé…
Le mémo de l’investisseur et auteur Howard Marks intitulé “Sea Change” fait écho à ce point…
Il dit qu’il a vu deux changements radicaux dans le monde de l’investissement au cours de ses 53 ans de carrière. Il pense que nous en vivons un troisième aujourd’hui. Le monde est en train de basculer maintenant et pour les prochaines années.
Marks explique que le premier changement radical de sa carrière a commencé avec une “nouvelle mentalité d’investisseur” résultant de l’émergence du marché des obligations à haut rendement dans les années 1980. Dans ce nouveau régime, “le risque n’était pas nécessairement évité, mais plutôt considéré par rapport au rendement.” Le marché croissant des obligations à haut rendement a contribué à la création de nombreuses nouvelles catégories d’investissement, notamment les créances en difficulté, les titres adossés à des créances hypothécaires, le crédit structuré et les prêts privés.
Le deuxième changement s’est produit après que Paul Volcker est devenu président de la Fed et a fait passer le taux des fonds fédéraux à 20 % pour tuer l’inflation. Marks souligne un regain d’optimisme et “quatre décennies incroyables pour le marché boursier”, avec des rendements annuels composés de 10,3 % pour l’indice S&P 500 d’août 1982 à janvier 2022.
Marks considère qu’il est “presque impossible de surestimer l’influence de la baisse des taux au cours des quatre dernières décennies.” Il conclut en résumant le changement radical que nous vivons actuellement…
“Nous sommes passés du monde à faible rendement de 2009 à 2011 à un monde à rendement complet et cela pourrait s’accentuer à court terme. Les investisseurs peuvent désormais obtenir des rendements solides grâce aux instruments de crédit, ce qui signifie qu’ils ne doivent plus compter autant sur des investissements plus risqués pour atteindre leurs objectifs de rendement global. Les prêteurs et les chasseurs d’aubaines ont de bien meilleures perspectives dans ce nouvel environnement que pendant la période 2009-2021. Et surtout, si vous admettez que l’environnement est et peut continuer à être très différent de ce qu’il était au cours des 13 dernières années – et de la plupart des 40 dernières années – il devrait s’ensuivre que les stratégies d’investissement qui ont fonctionné au cours de ces périodes ne seront peut-être pas celles qui surperforment dans les années à venir”.
C’est de ce changement radical dont parle Marks. En soi, cela ne semble pas si grave, n’est-ce pas ?
Mais dans le paragraphe juste avant, Marks a déclaré que le moment actuel est “extrêmement différent – et surtout moins favorable – de celui de l’ère post-GFC” et que “nous ne verrons probablement pas rapidement le même optimisme et la même facilité qui ont marqué la période post-GFC”.
Quelle que soit la façon dont vous interprétez les commentaires de Marks, nous sommes d’accord sur une chose…
Le passé est révolu…
Et contrairement à tous les autres marchés baissiers ou corrections de ces quarante dernières années, le moment présent laisse probablement présager une période plus difficile, plus risquée mais, pour le bon type d’investisseur, plus rémunératrice.
Je m’inquiète pour tous ceux qui ont commencé à investir depuis 2009. Il est trop probable qu’ils restent captivés par des activités hautement spéculatives comme le commerce des cryptomonnaie sans fond, l’achat de titres à la baisse sur ARKK et le maintien des mèmes-actions.
Soyez donc prudent : ce qui vous a fait gagner le plus d’argent au cours de la dernière décennie pourrait être votre pire idée aujourd’hui.
Et apprenez à voir les détails macabres, parfois amusants, de la disparition de FTX, ARKK et d’autres anciennes valeurs vedettes comme des signes que le monde dans lequel elles ont émergé et brièvement réussi est révolu…
Et qu’une nouvelle mentalité d’investisseur est nécessaire pour réussir dans le monde qui se dessine maintenant.
Les progrès de l’Intelligence Artificielle (IA) vont probablement aussi participer au changement de cet ancien monde vers le nouveau qui se dessine. Et certaines actions pourraient devenir incontournables…
Les investisseurs visionnaires qui auront placé leur capital dessus pourraient se féliciter de leur choix dans quelques années et profiter de leur fortune en sirotant des cocktails aux Bahamas, comme Sam Bankman-Fried le faisait… Voici pour vous une sélection de 3 futurs géants de ce nouveau monde.
Bon investissement,
Dan Ferris
Eagle Point, Oregon
