Chère lectrice, cher lecteur,
Dans les années 90’, j’ai perdu 1’732 dollars sur une série de mauvaises prédictions…
Peu de temps après avoir commencé à investir, je pensais avoir trouvé le secret de la réussite.
Et j’ai essayé de prédire les prix des matières premières, des actions et des taux d’intérêt.
J’ai donc placé 2’000 dollars sur un compte de trading de matières premières…
Et j’ai tout perdu, à l’exception de 268 dollars.
Trois décennies plus tard, ce chiffre – 268 dollars – est encore gravé dans ma mémoire.
De toute évidence, j’avais fait une erreur qui m’a coûté beaucoup d’argent. Et pourtant, je ne comprenais pas encore très bien mon problème…
Je pensais que l’investissement consistait à prédire les prix et rien d’autre.
Bien entendu, je ne suis pas le seul investisseur débutant à avoir commis cette erreur…
Au cours de ma carrière, j’ai discuté avec des centaines, voire des milliers, d’autres investisseurs.
Et beaucoup d’entre eux ont commencé comme moi, en pensant que l’investissement consistait à prédire le marché boursier.
Heureusement, j’ai vite compris mon erreur…
Prédire les prix et la direction du marché n’est pas du tout de l’investissement.
C’est de la spéculation.
J’ai donc appris la différence entre l’investissement et la spéculation en lisant les livres du légendaire investisseur Ben Graham. Plus précisément, son ouvrage classique, paru en 1934, Security Analysis, qui contient le passage suivant :
“Une opération d’investissement est une opération qui, après une analyse approfondie, promet la sécurité du capital et un rendement satisfaisant. Les opérations qui ne répondent pas à ces critères sont spéculatives.”
Graham savait qu’il existait des moyens intelligents de spéculer. Et il ne condamnait pas cette pratique.
Il souhaitait simplement que l’investissement et la spéculation restent distincts.
À l’époque de Graham, la plupart des gens préféraient investir dans des obligations. Ils spéculaient sur les actions. Et utiliser les principes d’investissement pour acheter des actions comme le faisait Graham n’était pas une pratique courante.
Les idées clés de la définition de Graham sont la « sécurité du capital » et un « rendement satisfaisant »…
Si vous avez déjà investi dans des obligations, vous reconnaissez probablement ces idées. Le montant que vous investissez dans une obligation est le principal (qui est normalement sécurisé). Le taux d’intérêt et les éventuels gains en capital constituent le rendement (qui doit être intéressant).
Pour assurer la sécurité du capital et un rendement satisfaisant dans les actions, il faut comprendre les flux de trésorerie d’une entreprise…
Les investisseurs en actions considèrent généralement les retours sur investissement en termes de gains en capital. Mais ils ne tiennent pas souvent compte de la source de ces gains : les flux de trésorerie de l’entreprise sous-jacente.
Après avoir lu les livres de Graham, j’ai appris à considérer l’investissement comme l’achat d’un flux de liquidités futures.
D’ailleurs cela vaut pour les actions, mais aussi pour les obligations, l’immobilier et tout autre investissement…
Le montant des liquidités que vous pouvez en retirer pendant la durée de vie de l’investissement détermine sa valeur.
Lorsque les marchés s’emballent de façon irrationnelle et que les prix s’effondrent, ou s’envolent, cela peut fausser temporairement cette valeur. Mais à long terme, ce sont les flux de trésorerie qui comptent.
Si vous achetez parce que vous pensez (ou prédisez) que le prix va augmenter, vous spéculez.
Si vous achetez parce que l’entreprise est vendue à un prix intéressant compte tenu de ses flux de trésorerie sous-jacents et que vous prévoyez de la conserver à long terme, vous investissez.
Deux personnes peuvent placer la même somme d’argent dans la même action au même moment, mais l’une d’entre elles peut investir et l’autre spéculer.
Les livres de Graham m’ont aidé à comprendre tout cela. Et j’ai fini par résoudre mon problème…
C’est pourquoi je suis aujourd’hui un investisseur et non un spéculateur.
En tant que tel, au cours des deux dernières décennies, je me suis surtout intéressé à la manière d’évaluer une entreprise. C’est plus important que l’évolution du cours de l’action sur une courte période.
Au fil des ans, j’ai passé beaucoup de temps à examiner les données financières des sociétés cotées en bourse. J’ai fini par apprendre à regarder les flux de trésorerie et à décider si une entreprise était bon marché, ou chère, par rapport à eux.
Que vous soyez investisseur, ou spéculateur, toutes les données que vous étudiez pour prendre vos décisions proviennent du passé…
Rappelez-vous que j’ai commencé mon parcours en échouant lamentablement à prédire les mouvements des prix des actions, des obligations et des matières premières…
Et je reste très sceptique quant à la capacité des spéculateurs à prédire l’avenir.
Alors quand j’ai réalisé que toutes mes données appartenaient au passé et que tous mes rendements se situaient dans le futur, j’ai craint de commettre les mêmes erreurs qu’à l’accoutumée…
Sauf que, au lieu d’essayer de prédire les prix futurs, j’essayais de prédire les flux de trésorerie futurs (ce qui, je l’espérais, se traduiraient un jour par une augmentation du prix de l’action).
Mais alors…
Si la méthode d’évaluation des flux de trésorerie d’une entreprise consiste à introduire les flux de trésorerie que l’on pense qu’elle gagnera à l’avenir. C’est donc un exercice de pure prédiction.
Argh, je retombe dans la même erreur qu’à mes débuts !
En réalité, ce n’est pas le cas.
Un investisseur n’a pas fondamentalement pour vocation de prédire l’avenir.
Il identifie les risques d’un investissement et passe le plus clair de son temps à y réfléchir. Ensuite, il élabore une stratégie qui lui permettra d’obtenir les meilleurs rendements corrigés du risque.
Mes abonnés ne me suivent pas pour ma capacité à prédire. Ils veulent que je les aide à comprendre, à reconnaître et (surtout) à contrôler les risques.
Que vous achetez des actions en apprenant leur valeur intrinsèque (comme moi), il s’agit d’évaluer le risque et non de le prédire.
C’est également ce que je fais lorsque je recherche les meilleures entreprises, que je détermine ce qu’elles valent et que j’évalue leur prix pour obtenir un rendement adéquat.
Malheureusement, je continue de rencontrer des personnes qui préfèrent prédire et spéculer, souvent sous le couvert de l’investissement. Au lieu de se préoccuper de l’évaluation des risques, elles me posent des questions telles que : « Où pensez-vous que le marché va aller ? ».
Le fait que je parle souvent de l’orientation que je pense qu’il pourrait prendre brouille probablement les pistes. Mais je vous promets…
Je ne prédis rien. J’identifie et j’évalue les risques.
L’étape supérieure m’est apparue il y a une dizaine d’années…
Je recommande vivement la lecture de Expectations Investing, écrit par Alfred Rappaport et Michael Mauboussin.
En termes simples, ce livre m’a appris à ne plus essayer de prédire les flux de trésorerie futurs lors du calcul de la valeur intrinsèque actuelle d’une entreprise.
Mais au contraire de partir du prix actuel et de déterminer les flux de trésorerie nécessaires pour établir cette valeur.
Ensuite, nous décidons si le marché est trop optimiste, trop pessimiste, ou s’il se situe entre les deux.
S’il est trop pessimiste, nous avons peut-être un bon investissement entre les mains. Dans le cas contraire, nous attendons.
Ce fut une évolution révolutionnaire dans mon parcours d’investisseur…
J’ai finalement éliminé pour de bon la notion de prédiction de mon approche.
Je me contente de regarder ce qui se passe sur le marché et de décider si cela semble trop pessimiste, ou non.
De cette façon, ma stratégie se concentre sur ce que je sais aujourd’hui, sans avoir besoin de tenir compte de l’avenir avec précision.
Voici les points essentiels à retenir…
- L’investissement est une question de « sécurité du capital » et de « rendement satisfaisant »
- La spéculation peut être intelligente, mais la plupart du temps, elle ne l’est pas
- Les rendements des investissements proviennent des flux de trésorerie d’une entreprise
- Pour réussir à long terme, remplacez les prédictions par l’évaluation des risques
- Toutes vos données se trouvent dans le passé et tous vos rendements se trouvent dans l’avenir
- Élaborez une stratégie qui minimise autant que possible les prévisions
Cela ressemble peut-être à une liste d’idées aléatoires sans structure cohérente.
Mais je ne ressens pas le besoin de tracer des lignes plus claires entre ces idées. Et je ne pense pas que vous deviez insister pour le faire non plus. Les liens vous apparaîtront avec le temps.
Pour l’instant, pensez à imprimer la liste et à la coller à côté de votre ordinateur.
Puis, de temps en temps, consultez-la – en particulier lorsque vous souhaitez faire travailler votre argent sur le marché.
Bon investissement,
Dan Ferris
Eagle Point, Oregon