À propos de la guerre en Ukraine

Chère lectrice, cher lecteur,

Dans la nuit de mercredi à jeudi, mon portable s’est mis à vibrer. Il était 3h du matin.

Sur tous les groupes d’intelligence stratégique que je fréquente, je recevais des messages alarmants :

En moins de 12h, les Russes ont neutralisé la marine militaire ukrainienne, et détruit plus de 80 installations terrestres et aériennes.

Au moment où je vous écris (jeudi 24/02, 15h), il semblerait que l’armée russe soit aux portes de Kiev.

On pouvait s’attendre a minima à un assaut dans les régions de l’Est… mais c’est en fait toute l’Ukraine qui ploie sous le feu russe.

Des colonnes de blindés envahissent le pays depuis le Nord, par la Biélorussie, depuis l’Est, mais aussi depuis le Sud par la Crimée déjà annexée. Les bombardements frappent tout le pays, y compris l’Ouest.

En clair : la situation vient de prendre un tour radical et violent. On ne survole plus l’Ukraine, ni le sud de la Biélorussie, ni l’Ouest russe – ce sont des zones de guerre :

D’après mes sources, c’est au Nord, à la frontière biélorusse, que les combats sont les plus violents

Mais surtout, ne vous méprenez pas : il est déjà trop tard pour « tenir les frontières » : les Russes sont en Ukraine, et le rapport de force est totalement déséquilibré.

La Russie prend l’Ukraine.

Que va-t-il se passer ensuite ?

Je le répète assez souvent concernant les marchés, et ça vaut pour la géopolitique : je n’ai pas de boule de cristal.

Cela étant, je rejoins l’opinion de l’historien Jean-François Colosimo, selon qui « Poutine sait que ni l’Amérique, ni l’Europe ne sacrifieront un soldat pour l’Ukraine ».

Cela veut dire : pas de Troisième Guerre Mondiale pour l’instant – si la Russie se limite à l’Ukraine, du moins.

Car les pays baltes, membres de l’OTAN, ainsi que la Pologne, la Moldavie et la Roumanie, tous frontaliers de l’Ukraine ou de la Russie/Biélorussie, sont fébriles.

Au lieu d’une guerre totale, on risque de monter d’un échelon dans la guerre économique.

Les Russes seront exclus des échanges internationaux pendant un bon moment, mais ne pensez pas être appelé sous les drapeaux d’ici là… car le scénario que je privilégie, c’est que l’OTAN soutienne discrètement la guérilla anti-russe qui risque de s’installer.

Bien sûr, la prise de l’Ukraine, c’est la Russie (version agressive) aux portes de l’Europe. Plus de « sas » ukrainien entre nous. Mais la Biélorussie, État fantoche s’il en est, nous mettait déjà dans cette situation… depuis de nombreuses années.

Voilà mon opinion sur les questions les plus brûlantes, celle d’un conflit où nous serions directement concernés.

Mais que veut Poutine ?

Rappelons-nous aussi que cette « blitzkrieg » en Ukraine ne devrait probablement pas durer indéfiniment, ni s’étendre à tout le pays : Kiev est à portée de chars depuis la Biélorussie, mais le vaste territoire ukrainien est difficilement praticable à cette période de l’année, notamment à cause de la neige qui recouvre une partie du pays, et dont la fonte va rendre compliquées la plupart des manœuvres au sol.

Ainsi, on peut s’interroger : pourquoi Poutine n’a-t-il pas attendu, alors même que c’était lui qui décidait du timing – les Occidentaux étant prêts à discuter ?

Je n’ai évidemment pas la réponse, mais je peux à nouveau vous donner mon avis : le chef du Kremlin n’a pas l’intention d’annexer toute l’Ukraine pour en faire un sujet de la Fédération Russe. Du moins, pas tout de suite.

Il y a fort à parier que son objectif soit d’abord de chasser le gouvernement actuel, puisque le président ukrainien Volodymyr Zelensky est jugé trop proche de l’Occident par Moscou.

Le risque (réel) d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN étant insupportable pour Poutine, il sème le chaos en Ukraine, s’arrange pour placer un gouvernement pro-russe à sa tête (ou assure une régence), annexe éventuellement les régions du Donbass… et on verra la suite plus tard.

Dans le même temps, l’OTAN arme la rébellion, l’Ukraine reste une zone tampon entre Occident et Russie, mais le risque qu’elle bascule à l’Ouest est éloigné.

Voilà mon hypothèse.

Les implications économiques

Cette guerre en Ukraine a l’effet attendu : les marchés plongent, les cryptos aussi.

Bien sûr, vous savez comment ça marche. C’est d’abord la panique qui l’emporte. Le NASDAQ perd 3%, le S&P500 2%, le CAC et le DAX 4%…

Et dans le même temps, le baril de pétrole dépasse les 100 dollars.

C’est le scénario défensif classique, où les matières premières résistent et grimpent tandis que les valeurs de croissance souffrent.

Alors idéalement, il faudrait acheter la baisse sur les valeurs de croissance, tout en restant exposé aux valeurs défensives…

Mais vous connaissez comme moi les investisseurs : ils ont beau le savoir et le répéter, la plupart n’ont pas les nerfs assez solides pour appliquer la doctrine de Rothschild, à savoir « acheter quand il y a du sang dans les rues ».

Au-delà de ça, la situation est surtout corsée pour les Européens les plus dépendants du gaz russe.

La France, fort heureusement, n’est celle qui a le plus à perdre – la moyenne de l’UE étant autour des 40% :

Il faudra se mettre au gaz américain, à la fois plus cher et plus polluant à acheminer jusqu’en Europe…

Taïwan dans la foulée ?

Si vous me suivez, vous savez que la situation de Taïwan par rapport à la Chine m’interpelle depuis plusieurs mois.

J’ai beaucoup parlé en Octobre 2021 de l’hypothèse d’une invasion chinoise… et aujourd’hui, la Chine, qui est au passage une des seules voix à n’avoir pas condamné la Russiefait passer un message à l’Occident via le compte Twitter de son ambassade en France :

Faut-il craindre une manœuvre chinoise à l’encontre de Taïwan dans la foulée de l’assaut russe ? Je n’en ai aucune idée, les deux situations sont malgré tout assez différentes.

En revanche, une chose est sûre : l’année 2022 sera un test sérieux pour l’Occident, qu’il s’agisse de son influence géopolitique, de sa résilience économique, et de sa capacité à parler d’une seule voix – ce qui, surtout dans le cas de l’Europe, est éminemment compliqué

Un point sur les marchés technologiques

Comme souvent, les marchés technologiques ont été parmi les premiers à trinquer. Pourquoi ?

Simplement car ils dépendent des investissements et de la croissance, donc de la fiabilité de l’avenir.

Et de prime abord, notre avenir proche est un peu moins radieux que prévu… nous avions déjà l’inflation et le tapering, nous avons à présent la guerre, une hausse des prix de l’énergie et l’instabilité globale.

Mais ne nous limitons pas à ça : la claque prise par les marchés technologiques ouvre des perspectives d’investissement exceptionnelles – c’est le fameux « buy the dip » dans le jargon boursier : il faut acheter la baisse, on y revient toujours.

Mais ce n’est pas tout : je vous disais dans un précédent message que certaines crises, comme celle du COVID, étaient aussi l’occasion de faire émerger des technologies de pointe, et de favoriser leur adoption massive.

La technologie dont je vous parle depuis quelques jours a sauvé des vies pendant la première vague de la pandémie… mais elle va sans doute se montrer encore plus utile si l’on entre dans une nouvelle phase de tensions géostratégiques, car elle permet de relocaliser énormément d’activités manufacturières dans les pays développés.

Je vous en reparle ce samedi.

Amicalement,

Marc Schneider

PS : « Buy the dip », cela demande de la discipline et une vision de long-terme. Investissez sur ce qui vous met à l’aise, ne vous forcez à rien. Et essayez de vous détendre, même si les circonstances sont pénibles – depuis quelques années, c’est ça le « nouveau normal ».

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Chastenet
Chastenet
2 années il y a

Merci pour votre eclairage
mais pour acheter , sans réserves, il faudrait vendre maintenant à perte

perraud
perraud
2 années il y a

garder son sang froid pas de précipitation

Jampus
Jampus
2 années il y a

Merci pour votre analyse et vos scénarii de développements qui aident à prendre les bonnes décisions.

Albonette
Albonette
2 années il y a

Les américains ont attaqué de très nombreux pays et détiennent 800 Bases militaires dans le monde.depuis 2014 ils ont créé une révolution de couleur en Ukraine et mis un gouvernement pro nazi en place.Le stratégique Zbigniew Brzezinski dans son livre »le grand Echiqier » a parlé du désir des anglo-saxons à contenir le heartland par la prise en main de la couronne d’états délimitant les pays pays jouxtant la Russie.la stratégie des USA est de rester les maîtres incontestés de la géopolitique en tant que puissance maritime.les USA ont toujours rêvés de disloquer laRussie en petits états manipulables.mais Poutine a résisté ces tentatives; malheureusement lUSA n’ont jamais accepté un monde multipolaire.ils veulent continue à imposer un monde unipolaire dominant le monde financier avec leur dollar en papier.comme le disait je crois ROCKFELLER le dollar est notre monnaie mais c ´est votre problème !Quand je parle des USA je pense à l’état profond comme TRUMP l’a bien compris.Donc rien n’est simple et il est intéressant de saisir le dessous des cartes.Esperons que les dirigeants reviendront à des négociations pour limiter la casse

Marc-Pius Mako Nday
Marc-Pius Mako Nday
2 années il y a

Merci Marc pour dette article tres pertinent.

Maffioli
Maffioli
2 années il y a

Fine analyse.

Jean-Pierre VÉNEMBRE
Jean-Pierre VÉNEMBRE
2 années il y a

OK pour « Buy the dip » !
Mais il est quand le « dip » ?

Arnaud
Arnaud
2 années il y a

Bonjour, je suis de la Polynésie française et je suis vos lettres.
Merci pour vos lettres.
Effectivement en Polynésie nous subissons aussi tout ce qui se passe dans le monde, j ai hâte de vous lire prochainement.
Cordialement Léna

Boulay
Boulay
2 années il y a

Merci j apprécie votre point de vue Jeanluc Boulay